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La multiplication des dénis – Eric Albert

La dette qui sert à financer nos dépenses courantes, le vieillissement de la population qui rend notre système social structurellement déficitaire, le temps de travail insuffisant au regard de celui de nos partenaires européens, le taux de prélèvement obligatoire le plus élevé des pays de l’OCDE. Ce sont des faits établis, et pourtant les débats quotidiens à l’Assemblée montrent que les politiques font comme s’ils n’existaient pas. Ce mécanisme du déni est bien identifié. Il consiste à nier ou à ne pas voir une réalité fortement chargée en émotions négatives (peur, inquiétude, anxiété, …).

L’entreprise n’est pas à l’abri. Il peut lui arriver de ne pas vouloir voir la réalité en face parce que trop dérangeante. C’est le cas, par exemple, lorsqu’un dirigeant n’a pas les compétences avec le poste qu’il occupe. Surtout s’il s’agit des compétences comportementales alors que les compétences techniques sont là. Il fait des dégâts autour de lui, mais le changer est compliqué, cela va prendre plusieurs mois. Il est plus facile de minimiser la situation, ou de faire comme si les choses allaient s’améliorer que de prendre la décision qui finira par s’imposer : ne pas le laisser à ce poste.

Un autre exemple pourrait être une situation dégradée entre deux entités qui tend à rendre les interfaces conflictuelles. Les sujets n’avancent pas, et chacun passe beaucoup trop de temps à montrer que l’autre équipe est de mauvaise foi. Mais régler le problème prendrait du temps et supposerait des arbitrages qui feront des déçus. Il est plus confortable à court terme de laisser durer la situation.

Ailleurs encore, c’est une crise qui se profile. Plutôt que de s’y préparer, on mise sur le fait qu’on peut tenir encore un peu de temps sans avoir à changer radicalement.

Les faits sont têtus et le principe de réalité s’impose toujours. Mais le déni, est un mode de défense qui peut concerner chacun, personne n’est à l’abri. Pour ne pas avoir à se confronter, il est naturellement plus confortable d’arranger les faits. La période actuelle des fakes news et de la réalité alternative favorise ce mécanisme. Les politiques nous le montrent tous les jours.

Le rôle d’un dirigeant est de lutter pied à pied avec cette tendance. Il doit assumer d’être l’empêcheur de tourner en rond, celui qui pointe les tendances à ne pas vouloir voir la situation telle qu’elle est.