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Quand la transparence nivelle – Eric Albert

La directive européenne sur la transparence salariale doit être transposée en loi par chaque pays avant le 7 juin 2026. Comment être contre ce principe de transparence qui va permettre à chacun de se positionner par rapport à la moyenne de ses collègues occupant la même fonction et à compétences égales ? D’autant que la transparence est un moyen, le but étant d’arriver enfin à une égalité salariale homme femme.

Mais ce positionnement par rapport à la moyenne pose différents problèmes. Chaque manager devra justifier pourquoi certains sont en dessous de la moyenne. Ceux-là pourraient se trouver en situation où, alors qu’ils font leur travail correctement, ils ne sont pas à la moyenne. Pour une raison simple, ceux qui surperforment et auxquels on accorde un bonus exceptionnel élèvent la moyenne. Le risque est donc que pour éviter de la faire monter, on renonce aux super bonus pour les sur-performants. Ainsi tout le monde est à peu près dans la moyenne, ce qui nivelle par le bas. Déjà, dans beaucoup d’entreprises une grande majorité des managers donnent 100 % du bonus à presque tous leurs collaborateurs. Ne pas le faire serait considéré par le collaborateur comme une offense. C’est donc plus simple de faire le moins possible de différence entre les salariés.

Ajoutons qu’une partie de la rémunération est pondérée par la nécessité plus ou moins forte de retenir les collaborateurs. Certains, parce qu’ils ont des atouts en parlant plusieurs langues, en étant mobiles géographiquement, en ayant un potentiel fort de développement, sont plus précieux pour l’entreprise. Celle-ci souhaite investir sur eux car ils sont une promesse d’avenir. À nouveau, augmenter leur revenu pour éviter qu’ils cherchent des opportunités ailleurs, est de nature à faire monter la moyenne et donc en relatif à positionner toute une partie de la population en dessous.

Il n’y a aucun doute sur la nécessité d’arriver à l’égalité salariale homme femme. Cet objectif doit être donné à toutes les entreprises avec une échéance et des sanctions si elles ne le remplissent pas. Mais il est indispensable de leur laisser trouver le moyen d’y arriver par elles-mêmes. Le législateur n’a aucune compétence pour définir la méthode. Elle doit être pensée et adaptée en fonction de chaque entreprise, de sa culture et de son contexte. Le champ managérial est tout sauf universel. Ce n’est pas parce qu’une pratique est efficace chez les uns, qu’elle l’est chez les autres. La transparence est un mot connoté positivement ce n’est pas pour autant une panacée universelle.