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Le courage du dirigeant – Eric Albert

En fin de semaine se tiennent les entretiens de Royaumont sur le thème : (re) prendre des risques. Dès que l’on parle de risque, le thème du courage émerge. Avec une vision souvent simpliste qui catégorise les individus en deux catégories les courageux et les autres. D’emblée, la connotation morale apparait. C’est bien d’être courageux et ceux qui ne le sont pas, sont des couards ou des lâches.

Cette vision, largement partagée, est erronée pour au moins deux raisons. La première est que le courage n’est pas une caractéristique globale, mais sectorielle. Je connais des dirigeants qui ont eu le courage de se lancer dans des aventures entrepreneuriales risquées mais qui sont incapables de faire un feedback à leurs collaborateurs proches. On peut avoir le courage de prendre des décisions difficiles, mais pas celui de les annoncer à ceux qui sont concernés. Donc lorsqu’on parle de courage, il faut préciser le champ auquel on souhaite le voir s’appliquer. Une autre raison est que l’on apprécie le courage et l’audace a postériori, lorsque l’action mise en place se révèle un succès. Dans le cas contraire, on la qualifie plus volontiers d’inconscience.

Le courage est la capacité à faire face au risque ou à ce qui est perçu comme tel. Il suppose que l’acteur dont la tentation pourrait être d’éviter, dépasse sa réaction première pour se confronter en assumant les risques. Plus l’effort pour y arriver est important, plus c’est coûteux sur le plan émotionnel et psychologique, plus l’individu fait preuve de courage. Il est donc très difficile d’évaluer le courage d’un tiers, car on ne sait pas ce qu’il vit. Pour certains, faire face aux situations dangereuses est au contraire source de stimulations et d’excitation, sans avoir à faire preuve du moindre courage.

Reste la nécessité pour un dirigeant de se confronter aux situations difficiles. Cela va de la façon dont il assume ses propres erreurs à sa capacité à ne pas se laisser impressionner par les parties prenantes quelles qu’elles soient (et notamment l’actionnaire) ou encore montrer une exemplarité dans les moments de crise. Une autre forme de courage réside dans la capacité à se remettre en cause et à sortir de sa zone de confort.

Plus un dirigeant est installé dans son rôle, plus il peut s’appuyer sur ses réussites passées. Dès lors, ses formes de courage se limitent à celles induites par sa personnalité. Le vrai courage consiste à aller au-delà.