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Les yeux plus gros que le ventre

Depuis plusieurs mois, l’ambiance s’est dégradée au sein de l’équipe de direction. Dans les réunions, certains ne disent plus rien et d’autres s’expriment à tout propos, lancent des avis à l’emporte-pièce sans faire avancer les sujets. Il faut dire que tout le monde est tellement débordé que chacun n’est plus focalisé que sur son propre domaine ; l’intérêt collectif, on verra plus tard ! Il n’est pas rare que les équipes dirigeantes se laissent prendre par la surcharge. La multiplication des projets auxquels s’ajoutent les opportunités comme la croissance externe, sans compter tous les événements non prévus, s’ajoutent les uns aux autres. Les dirigeants se font prendre par un triple mécanisme. D’abord, leur envie de faire avancer les choses vite, leur goût pour les nouveaux projets et leur satisfaction à voir les choses se réaliser. Ensuite, par leur exigence, leur rôle assumé de toujours pousser plus loin les limites, leur conviction qu’il faut se donner des objectifs toujours plus ambitieux. Enfin, leur difficulté à renoncer, à arrêter des projets pour décharger les équipes, à accepter que tout n’est pas important et urgent. Dès lors, tout se fait dans la précipitation, les sujets sont vus superficiellement à la dernière minute, les tensions entre les acteurs s’accroissent avec un découragement croissant. L’un des enjeux du dirigeant est de ne pas masquer son incapacité à renoncer et à dire non aux différentes demandes derrière son enthousiasme et son exigence. C’est sa responsabilité de rappeler que tout n’est pas important. C’est à lui de résister aux sollicitations dont son équipe est l’objet, et, à lui, enfin d’assumer les risques liés aux choix, les erreurs. Parmi les décisions prises, l’une des plus difficiles à assumer est de renoncer à des projets déjà lancés et sur lesquels les équipes se sont investies. La peur de se contredire et d’affronter le regard de ses équipes induit une absence de décision qui provoque flou et incompréhension. Savoir doser, suivre la charge, réévaluer les priorités, tenir compte de l’inattendu sont au cœur de la valeur ajoutée du dirigeant, encore faut-il que lui-même ne soit pas comme son équipe : en permanence débordé et sans capacité de prise de recul.