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Du bon usage de la revue des talents

C’est rituel. Tous les ans, le comex se met au vert pour sa fameuse « people review ». La liste des managers a été établie avec soin par le directeur général lui-même et amendée jusqu’au dernier moment sur les interventions des uns et des autres. Les RH sont sur le pied de guerre depuis un mois pour préparer les dossiers de hauts potentiels qui seront passés en revue. La pile de documents a été remise à chaque participant, qui la feuillette au gré de ses intérêts. Dès le premier échange, le ton est donné. Le hiérarchique de la personne concernée cherche à la valoriser, alors que les autres soulignent ses points faibles. Untel « ne sent pas son leadership », un autre trouve qu’ « il manque de légitimité technique », un troisième remarque que « ses résultats sont certes bons mais dans un contexte porteur ». Le match de ping-pong continue entre les « pour » et les « contre ». Finalement, le directeur général, en juge de paix, donne son avis. Il a assisté récemment à une présentation de l’intéressé sur son secteur et l’a trouvé très brillant. A l’évidence, c’est un très haut potentiel, passons au suivant.

Non seulement l’exercice est inutile, mais il est nuisible. Les acteurs, ainsi catégorisés, auront accès à des programmes de développement privilégiés qui ne préjugeront en rien de leur avenir. Les impressions de cette année pourront être contredites l’année suivante. Pourtant, ces revues de managers pourraient être très utiles ; pas pour classer les individus dans des catégories, mais pour leur ouvrir un large éventail d’orientations auxquelles ils n’auraient pas pensé eux-mêmes. En pratique, les dirigeants sont là pour faire preuve d’imagination. Quelles pourraient être les perspectives d’évolution à court et moyen termes ?

Comment sortir du réflexe selon lequel l’étape suivante est la place de son chef ? Ces pistes lancent le débat. Quels sont les doutes sur les capacités du manager en question à prendre les postes qui viennent d’être imaginés ? Encore faut-il que ces doutes concernent des points précis et qu’ils puissent être restitués aux intéressés. A eux, ensuite, de démontrer qu’ils en tiennent compte et font de vrais progrès. C’est ce qu’il faudra vérifier lors de la prochaine « revue des talents ».