expand

Travailler dur

Seuls 25 % des Français pensent qu’il faut travailler dur pour réussir dans la vie, contre 49 % des Allemands, 60 % des Britanniques, 73 % des Américains. L’information est livrée de façon brute, sans commentaires, dans le magazine « Challenges ». Elle explique bien des incompréhensions dans le monde du travail. D’abord, cette perception négative particulière à notre pays vis-à-vis de ceux qui réussissent. Pour les trois quarts de nos compatriotes, la réussite n’est liée ni au travail ni à l’intensité des efforts. Mais à quoi cela tient-il ? La chance, le milieu social, l’appartenance à des réseaux ? Quelle que soit la réponse, le fait d’exclure le travail produit une impression d’injustice et d’inaccessible. Cela permet aussi de comprendre les tensions qui existent le long de la chaîne hiérarchique dans certaines entreprises. Si ceux qui sont en haut ne le sont pas en raison des efforts qu’ils ont fournis, ils perdent une grande partie de leur légitimité. Pourtant, le XXe siècle a vu une inversion historique du rapport au travail. Pendant toute son histoire, l’humanité a fait travailler de façon très dure ceux qui étaient en bas de l’échelle tandis que l’oisiveté était le privilège du sommet. Aujourd’hui, dans les pays développés, dans leur grande majorité, les dirigeants d’entreprise travaillent beaucoup plus que ceux qui sont à la base de la pyramide. Outre le temps passé, chacun d’entre eux a une charge mentale qui ne s’arrête pas lorsqu’il quitte son lieu de travail. La réussite se fait fréquemment au prix du sacrifice de la vie personnelle ; et, bien souvent, les acteurs prennent plaisir à ce surinvestissement, au point qu’il n’est pas rare de les voir avoir du mal à décrocher. Tant pour les vacances que lorsqu’il s’agit de prendre leur retraite, s’arrêter n’est pas facile. Comment faire partager ce goût du travail ? Comment vérifier que, à chaque niveau, chacun puisse trouver ce même intérêt, cette même satisfaction de l’accomplissement de la tâche, ce sentiment d’utilité, cette envie de progression et d’amélioration permanente, cette capacité d’initiative ? C’est en France, plus qu’ailleurs, l’un des enjeux majeurs du management. Travailler dur n’est pas seulement la base essentielle de la réussite, c’est aussi une immense source de satisfaction et d’épanouissement.