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L’opinion des dirigeants

S’il est une tâche que les dirigeants ne délèguent pas, c’est bien le recrutement pour les postes clefs et l’affectation des hauts potentiels. Tous sont unanimes : rien de plus important que le choix des hommes et femmes pour les mettre au bon endroit au bon moment. C’est donc leur chasse gardée. Mais en dehors de leur entourage direct, ils ont peu d’occasions de se faire une opinion. Ils profitent de chaque rencontre avec les managers de leur organisation. Ils en croisent beaucoup dans des circonstances variées, mais, par définition, passent peu de temps avec chacun d’entre eux. Ainsi, celui qui a fait une présentation brillante, un autre particulièrement convivial et sympathique lors d’un déplacement, un troisième impliqué dans la gestion d’une situation de crise, peuvent, s’ils ont fait bonne impression, se voir crédités de toutes les vertus. Et dans le cas inverse, ils portent durablement les effets de la perception négative. A son insu, le dirigeant surpondère ce qu’il voit. Il se fie volontiers à son intuition et ne change pas facilement d’avis. De leur côté, les « responsables des talents » font un travail de sélection et de développement souvent très coûteux. « Assessment », parcours construits avec de prestigieuses écoles internationales, les intéressés sont analysés en détail par des batteries de consultants et formés aux dernières tendances du management. Pour autant, avoir suivi ce type de parcours a souvent un impact minime par rapport à l’avis initial des dirigeants sur les intéressés. Il est légitime que les dirigeants se fient principalement à leur propre avis. Encore faut-il qu’ils se donnent les moyens de le nourrir. Avoir un avis, c’est d’abord être capable d’en changer et de savoir ce qui vous ferait changer. Un avis se construit dans le dialogue et le débat contradictoire. Qu’est-ce qui fait dire qu’untel a du leadership ? De quel leadership parle-t-on ? En quoi cela lui sera-t-il utile dans son prochain job ? C’est une bonne chose que les dirigeants se réservent la sélection et le parcours des talents. Mais cela suppose qu’ils acceptent eux-mêmes de se développer dans cette compétence. Qu’ils apprennent à identifier la limite de leur opinion, qu’ils sachent mesurer tout ce qu’ils ne voient pas et, surtout, qu’ils comprennent comment ils se sont trompés.