expand

Quelle place pour le débat interne ?

Qu'est-ce que c'est qu'une décision ? C'est une bonne base de discussion. Cette plaisanterie court dans une de nos grandes entreprises. Elle révèle une attitude considérée comme l'une de nos particularités par les autres nationalités. On peut d'ailleurs le constater dans le début de la campagne socialiste. Chacun lance la mesure qui lui tient à coeur, ou donne son interprétation de ce qu'a dit le candidat pour être démenti quelques jours plus tard. C'est que l'indépendance d'esprit et l'authenticité sont survalorisées chez nous aux dépens de l'esprit collectif. Celui qui renonce à ses convictions «  se couche », «  s'écrase », bref a fait preuve d'un manque de courage. Il est vrai que la frontière est étroite entre l'adhésion de tous à la dynamique collective et le fait de n'avoir plus que des « Yes men » qui acquiescent à tout. Sans, pour autant, agir en conséquence : on dit ce que le chef veut entendre, pour le reste... Comment faire pour combiner l'expression des collaborateurs et la discipline dans l'exécution ? D'abord, les dirigeants doivent rappeler qu'il n'y a pas de délit d'opinion. Ils doivent surtout se convaincre eux-mêmes qu'il est plus dangereux de ne pas savoir ce que pensent leurs équipes que d'avoir une adhésion de façade. Gouverner par la peur est rarement efficace. Le débat, certes, mais où et quand ? Plus on lui laisse de l'espace, moins on prend le risque qu'il s'exprime à l'extérieur de façon plus ou moins détournée. Cela suppose aussi d'être clair sur le moment où le débat doit s'arrêter (ce qui sous-entend que la décision soit prise). Enfin, la règle de l'intérêt collectif qui prévaut sur les ambitions individuelles nécessite d'être rappelée régulièrement. Plus encore, il peut être pédagogique de sanctionner un dirigeant qui y aurait ouvertement dérogé. Ce qui vise à être approprié, c'est plus un état d'esprit que l'application de process rigides. Partager un état d'esprit ne se décrète pas ; cela se fait par des ajustements permanents. Devant chaque situation nouvelle, c'est en échangeant que l'on s'accorde. Les dirigeants, en discutant entre eux, font converger leurs positions et clarifient l'effet qu'ils veulent produire sur leurs équipes. Le débat est indispensable mais pas dans l'agora.