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Impuissance – Eric Albert

Retour des Rencontres Économiques d’Aix. Comme toujours au sein de la profusion des tables rondes, certaines sont éclairantes. Mais la tonalité générale, on n’en sera pas surpris, est plutôt sombre. Certains mots clés utilisés par les intervenants, semblaient justifier leur impuissance : Europe, tarifs, règlementation, instabilité politique, etc… Au-delà de la dénonciation de ces contraintes, se sont distingués ceux qui ont pu montrer comment ils avançaient malgré un environnement qui est loin d’être idéal.

Le même sujet concerne l’entreprise. Dès qu’elle atteint une certaine taille, elle a toujours des sujets de complexité, de multiplication des process, de contraintes de toutes sortes liées à la compliance et à la sécurité. Dès lors, une partie des leaders explique pourquoi et comment ils sont entravés et ne peuvent pas prendre d’initiatives.

Il est évident que le rôle des dirigeants est de simplifier au maximum la vie des managers pour leur dégager des marges de manœuvre. Mais aussi d’organiser la responsabilité individuelle versus le consensus collectif dont personne n’assume les conséquences. Une illustration au niveau de l’État est le mille-feuille territorial. Chacun a un morceau de la capacité d’action, mais personne n’est responsable du résultat final.

C’est l’éternelle question de l’accountability. Comment libérer, stimuler et valoriser les acteurs qui s’exposent, prennent des initiatives, sortent du cadre restreint ? D’un côté, les « risk adverse » qui, certes sont favorables à prise d’initiative mais à condition qu’ils puissent donner leur accord en amont. De l’autre, ceux qui acceptent les échecs potentiels, voire qui les considèrent comme utiles. Tout l’enjeu est de ne pas laisser les acteurs se laisser envahir par le sentiment d’impuissance. Perception déprimante, mais aussi prétexte pour justifier son incapacité à faire.

Comment donc cultiver le plaisir de réaliser, plus que la crainte d’échouer ? D’abord en rappelant à chacun où se trouvent ses marges de manœuvre. Et il est fondamental que chaque collaborateur en ait. Ensuite, en encourageant les prises d’initiatives modestes, dans un premier temps, et en les valorisant. Enfin, en montrant à quel point c’est utile pour l’entreprise et donc pour l’ensemble des parties prenantes.

Un dirigeant est celui qui trouve de la marge de manœuvre dans un système contraint. Il doit incarner et diffuser cette culture au sein des équipes. Ce qui suppose qu’il accepte de ne pas tout contrôler, qu’il donne un « espace de jeu » à chacun et qu’il partage cette grande satisfaction de pouvoir trouver des possibilités d’agir.