1 000 milliards de dollars – Eric Albert

La somme est tellement importante qu’elle parait abstraite. C’est pourtant la rémunération votée par les actionnaires de Tesla pour Elon Musk sur dix ans, payée en actions, s’il arrive à passer les 12 étapes comportant des seuils financiers et opérationnels. Reconnaissons que ces seuils sont élevés. Certains diraient ambitieux puisqu’il doit notamment faire passer la valorisation de l’entreprise de 1 500 milliards actuels à 8 500 milliards.

La question que pose ce vote en faveur d’Elon Musk qui possède aujourd’hui environ 13 % de Tesla, est celle de la juste rémunération d’un dirigeant. Dans un tout autre ordre de montant, celle de Tavares en 2023 était de 36,5 millions, et avait suscité une polémique.

Le montant est voté par les actionnaires. Lorsqu’il est très élevé, c’est qu’ils font l’hypothèse que plus ils payent le CEO, plus ils vont s’enrichir. C’est le pari des actionnaires de Tesla. Dans le cas de Tavares, présenté par la presse comme un héros de l’industrie voire un maître à penser, ça n’a pas vraiment marché : l’action tourne aujourd’hui autour des 10 dollars et était à 13 en 2021, 12 en 24 après une montée éphémère à 20 en 23.

Surpayer un dirigeant pour enrichir l’actionnaire s’avère souvent un mauvais calcul. Le dirigeant est encouragé à faire monter le cours en cherchant des effets rapides même si c’est aux dépens des différentes parties prenantes. Il est rare que cela tienne longtemps.

Il faut reconnaître que son rôle est unique et déterminant ; tant dans sa capacité à fixer un cap, qu’à prendre les décisions à forts enjeux, qu’à s’entourer de talents, ou encore à transformer l’entreprise etc. Par ailleurs le poids des responsabilités et la charge de travail qu’il fournit sont considérables. Notons aussi qu’il est révocable du jour au lendemain. C’est pourquoi il est souvent comparé aux footballeurs stars par ceux qui plaident pour les payer très bien.

La grande différence est que le dirigeant est toujours un symbole. Sa rémunération est par définition comparée pas seulement à ses pairs, mais à celle des autres salariés de l’entreprise. Elle révèle aussi ses leviers de motivation. En étant beaucoup plus élevée que celle de ses pairs, elle donne le signal d’un intérêt individuel avant tout. S’il est vrai qu’être dirigeant exige une forme de sacrifice qui se paye, c’est aussi une fonction où il doit montrer sa préoccupation de servir l’entreprise. Et cela passe par une certaine modération sur lui-même.