Quel usage ont les dirigeants de l'indulgence ? - Eric Albert - lesechos.fr

Le président de la République a fait preuve d'une grande indulgence face à ce qu'il a qualifié de maladresse de la part de sa ministre de l'Education.

Il n'a pas eu la même attitude envers les ministres de son ancien gouvernement, qui avaient exprimé des réserves face à la loi anti-immigration : aucun n'a été renommé.

D'une façon plus générale, l'indulgence est à géométrie variable. Dépend-elle du ressenti émotionnel du chef ou des conséquences de l'erreur commise ? À chacun d'y répondre.

Quel usage ont les dirigeants de l'indulgence ? Lorsqu'ils en font preuve, notamment envers toujours les mêmes personnes, ces dernières passent volontiers pour des protégées du chef. Mais lorsqu'ils ne se montrent jamais indulgents, ils apparaissent intransigeants et diffusent facilement de la peur.

Pardon non-dit

Pour se montrer indulgent, encore faut-il que l'erreur soit caractérisée. Bien souvent, la constatation d'un dysfonctionnement amène le dirigeant à l'intégrer, dans l'opinion qu'il a de son collaborateur sans même lui en parler. L'accumulation des impressions forgent sa représentation.

Il s'agit donc de formuler ce qui est perçu comme une erreur, même si elle est minime. Cela donnera lieu à un échange qui permet de s'ajuster. D'abord comprendre comment l'erreur s'est produite mais aussi partager sur l'appréciation de son importance et de ses conséquences éventuelles. La plupart du temps, cela permet de réaliser que les perceptions ne sont pas les mêmes. Ce qui est grave pour les uns l'est moins pour les autres.

L'indulgence est souvent un pardon non-dit. Ni dans l'appréciation de l'erreur ni dans l'expression de la clémence. Le non-dit est source d'interprétation tant pour la personne concernée que pour son entourage. La première peut passer à côté de son erreur ou se sentir protégée avec le risque de ne plus savoir où se trouve la limite. Ce qui pousse à la tester.

Explication de texte

L'entourage ne peut que supputer et en tirer des règles parfois erronées. Si le chef fait preuve d'indulgence sur telle situation et pas sur telle autre, est-ce en raison des personnes ou du type d'erreur commise ?

L'indulgence est indispensable. Sans elle, aucun espace pour oser, prendre des risques, se tromper. Chacun doit savoir qu'il pourra en bénéficier. Mais encore faut-il en comprendre les ressorts.

Les dirigeants qui en font preuve ont le sentiment qu'en pardonnant ils expriment une forme de bonté. C'est peut-être le cas mais, comme tout ce qu'ils font, ils doivent en donner une explication de texte au risque qu'elle soit mal comprise.