expand

Quelle subjectivité dans l'entretien annuel ?

Alors que nous sommes en pleine période des entretiens annuels (lire page précédente), plusieurs cas sont portés devant les tribunaux en raison de l’usage de critères subjectifs, comme pour Airbus, « agir avec courage » ou encore « développer ses talents ».

On comprend la préoccupation des syndicats de disposer de critères objectifs et mesurables. Implicitement, ce qui est admis par tous est que l’objectif est juste et le subjectif potentiellement injuste. L’objectif juste ? Prenons l’exemple de deux commerciaux. On peut les évaluer uniquement sur leur niveau de ventes sans tenir compte des spécificités de leur terrain (implantation, taille des clients, qualité du travail réalisé par celui qui a tenu le poste avant, etc.). Le commercial désavantagé va demander que certaines spécificités subjectives, par exemple, la qualité de la relation existante, pondèrent l’appréciation des chiffres. Pour être parfaitement « juste » le nombre de paramètres qu’il faudrait quantifier conduit à construire des usines à gaz qui ne garantissent en rien le but recherché. Pire, le modèle, poussé à l’extrême, conduit à tout mesurer, comme dans certains centres d’appels.

De la durée de chaque appel, au nombre de fois où certains mots sont utilisés, tout est normé, codifié, comparé d’un opérateur à l’autre. Ils décrivent eux-mêmes cet environnement, où tout est quantifié, comme un enfer. Vouloir ramener le travail d’un individu à de la mesure, sans tenir compte des perceptions, revient à le réduire à un statut de machine et à nier son humanité. S’approcher le plus de l’équité dans l’évaluation du travail suppose de combiner des critères objectifs et de les pondérer par des perceptions. Encore faut-il tenir compte des biais de perception : l’angle trop étroit par lequel le manager voit son collaborateur ou une relation dégradée. D’où l’importance de recueillir des perceptions de multiples sources (ligne hiérarchique, collègues, clients). La façon d’être d’un salarié fait partie de sa performance. Elle est perçue à travers un prisme émotionnel porteur de subjectivité. C’est notre spécificité d’humain. L’attention à ses dérives potentielles ne doit pas conduire à la nier. Que dire de la subjectivité des juges qui trancheront ces affaires ?