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L'appropriation du changement - Eric Albert - Les Echos

Comment s’approprier le changement?

La situation est malheureusement banale. Une entreprise soumise à des difficultés décide d’avoir recours à un plan de sauvegarde de l’emploi. Terminologie pudique désignant le recours aux « départs volontaires » dans un premier temps, suivi de la désignation des volontaires dans un second temps. Les dirigeants savent combien il est important de donner du sens. A plusieurs reprises et sous diverses formes, ils ont expliqué la situation, les raisons de leurs choix et les perspectives d’avenir liées à leur stratégie. Des séances de questions-réponses ont permis à chaque manager de s’exprimer et, en principe, de comprendre les tenants et aboutissants du changement en cours. Vient le moment où chacun d’entre eux doit expliquer à ses propres collaborateurs la mécanique du plan et encourager certains à se porter volontaires. Vent de bronca, sans jamais le dire directement aux dirigeants, les managers s’élèvent contre ce plan qui « n’est pas le leur ». Certains refusent d’en parler à leurs collaborateurs, d’autres, sans s’affronter à leur hiérarchie, disent à leurs équipes combien ils s’y opposent et subissent comme eux cette situation.

La communication n’est jamais suffisante à l’appropriation. Celle-ci demande d’abord du temps. Les dirigeants, eux, se l’accordent pour réfléchir à plusieurs avant de décider. Une fois qu’ils ont tranché, cela ne va jamais assez vite. Ils ne réalisent pas que leur temps de réflexion et d’hésitation est encore plus nécessaire à leurs équipes. D’autant qu’on leur présente l’ensemble en une seule fois : le contexte, le problème, les solutions qui vont être mises en place, etc. L’intention est de les rassurer en montrant que tout est bien maîtrisé. Chacun se focalise sur les solutions, toujours chargées émotionnellement.

L’appropriation suppose du temps et de la prise de recul sur le sujet. Il est toujours préférable de commencer par partager le diagnostic pour y faire réfléchir les acteurs sans apporter d’emblée la solution. Un consensus, au moins relatif sur cette première étape, sensibilise à la suite. Puis, encourager la recherche de solutions conduit les managers, si ce n’est à converger avec les dirigeants, du moins à mieux comprendre les options choisies. Embarqués dans le projet, ils le porteront plus volontiers. Reste à se confronter à ses collaborateurs, à être le messager des mauvaises nouvelles, à faire face à l’inquiétude, voire à la détresse. Chacun se trouve démuni et a besoin d’être aidé pour gérer ses propres angoisses. D’autant que, souvent, le contexte met un doute sur son propre sort.

Demander aux managers de se montrer responsables dans les moments difficiles suppose de les considérer comme tels dès le début du processus.

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