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Comment combiner urgence et durabilité ?

Notre quotidien est haché. Les événements se succèdent et nous sollicitent. A chaque fois, l'attente d'une réponse est pressante. Au point qu'il est communément admis qu'efficacité rime avec rapidité et réactivité. Ce flux continuel de sollicitations conduit naturellement à un fonctionnement par zapping. On passe d'un sujet à l'autre, colmatant brèche après brèche comme dans un navire qui prend l'eau et dont on tente de ralentir le naufrage. Notre ancien président de la République avait pu donner cette impression sautant d'un événement à l'autre avec l'intention d'apporter des solutions. A l'usage, celles-ci se sont révélées souvent peu durables. C'est bien là le piège dans lequel nous nous trouvons : l'impatience collective pousse à agir à court terme, plus pour apporter une réponse à la tension émotionnelle créée par le problème qu'à le résoudre dans le fond. Ce qui oblige à recommencer. Notamment face à des sujets complexes, ou encore lorsqu'il faut conduire des changements de fond qui ne touchent pas seulement les organisations mais aussi les comportements et la culture d'entreprise. Nous avons tous besoin de nous inscrire dans ces deux temps. L'urgent et le lent. Le premier est doublement rassurant. Il nous montre que l'on est sollicité, donc utile, et nous donne l'illusion de résoudre quantité de problèmes. De plus, il est valorisé par l'évaluation des managers, qui apprécient plus que tout la réactivité. Mais il nous fait perdre le sens. Il est donc nécessaire de se consacrer à des projets dont on sait qu'ils n'aboutiront pas à l'échelle du mois, ou même de l'année. Cela suppose qu'ils entrent dans les objectifs de chacun et que le management y mette le poids nécessaire pour contrebalancer la toute-puissance de l'immédiat. Peut-être faut-il les évaluer, non pas sur un rythme annuel mais avec une mise en perspective de deux ou trois ans ? Comme toujours, c'est par les dirigeants qu'il faut commencer. A charge pour eux de prendre en compte les projets de long terme qu'ils ont initiés, accompagnés et développés. C'est-à-dire de remettre en perspective avec le même niveau d'exigence et de rigueur leur action de fond. La survie durable de l'entreprise passe par la capacité à contrebalancer la tyrannie du résultat opérationnel.