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Chacun pour soi

Partout, les collectifs sont fragmentés. Ils ne sont qu’un assemblage de singularités partageant un plus petit dénominateur commun. C’est vrai des partis politiques qui sont tous traversés de lignes de fracture. Querelles, rivalités, jeux d’ego, prennent le pas sur l’intérêt général. Il n’y pas que les dirigeants politiques qui sacrifient l’efficacité collective au profit des intérêts particuliers. La panne de la construction européenne correspond à ce même phénomène. Chacun à son tour bloque ce qui serait utile à l’ensemble pour éviter un inconvénient pour lui.

Dans cet environnement sociétal où chacun ne voit plus que ses intérêts propres, l’entreprise est le dernier lieu où le besoin de fédérer, le sens du collectif, le projet global sont des nécessités. Pas question d’accepter que chacun joue un jeu personnel. Et pourtant, qui n’a pas vu un projet traîner, voire ne pas aboutir, car il dérangeait telle ou telle partie prenante ? Qui ne constate que les jeux de rivalité sont autant de freins à l’efficacité collective ? Qui ne voit régulièrement la conduite du changement entravée par le souci de préserver tel ou tel avantage ?

L’une des difficultés majeures de l’entreprise est de construire un collectif à contre-courant de la tendance sociétale dans laquelle elle évolue. Les dirigeants exhortent leurs équipes à se demander ce qu’ils peuvent faire pour l’entreprise plutôt que ce que l’entreprise peut faire pour eux. Avec un succès mitigé. Manque de crédibilité ? Probablement, par déficit, le plus souvent, d’exemplarité sans faille sur le sujet. Comment un dirigeant qui, ayant passé deux ans dans l’entreprise puis qui a touché plusieurs millions pour une clause de non-concurrence alors qu’il enchaîne d’une entreprise à l’autre, pourra-t-il à l’avenir mobiliser sur le collectif ?

Pis encore, beaucoup sont persuadés que les dirigeants sont la preuve que la réussite repose sur un jeu personnel aux dépens du collectif. C’est cette perception qu’il faut très activement combattre. Comment ? Dans la sélection et le suivi des dirigeants de demain. Le sens du collectif, l’absence d’agenda caché, le goût de la contribution au projet commun doivent être des critères qui permettent de les sélectionner. Ce devrait être une condition sine qua non. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, le brio prime sur tout et excuse toutes les autres défaillances.