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L’extension du domaine de la responsabilité – Eric Albert

Le premier ministre prend son temps. Il faut dire qu’il est face à une montagne de contraintes contradictoires. Inutile de les énumérer ; la plus flagrante est de combiner la question de la dette et celle des multiples dépenses sollicitées par le corps social. La plupart des politiques se propose de résoudre l’un des éléments sans prendre en compte l’autre. Ce qui illustre l’irresponsabilité.

Combiner des contraintes contradictoires est l’une des difficultés des managers. Motiver les équipes sans marge de manœuvre financière, réduire les coûts et faire de la croissance, être responsable de son P&L mais dépendre de ses pairs pour l’atteindre, …

Arrêtons-nous sur cette dernière. La plupart des leaders acceptent bien volontiers de prendre des responsabilités mais considèrent qu’elles s’arrêtent à ce qui dépend de leur propre périmètre. C’est une des raisons qui les pousse à l’étendre le plus possible.

Mais on attend des dirigeants, notamment dans les grandes organisations, de s’engager sur des objectifs tout en sachant que pour les atteindre ils auront besoin des autres entités. Cela signifie qu’ils ne sont pas seulement responsables de leur propre travail (et de celui de leurs équipes) mais de la qualité de l’interface avec les autres équipes. La performance n’est pas suffisante. Elle est une condition de départ qui donne une crédibilité de base dans les échanges. Reste ensuite à trouver les ressorts de l’interdépendance. La facilité est de s’appuyer sur les rapports de force. On amène son interlocuteur à s’engager, puis on met la pression pour garantir qu’il tient ce qu’il a promis. Au besoin en impliquant le n+1 pour lui faire constater les manques. C’est évidemment la meilleure solution pour ouvrir aux conflits où chacun se renvoie la responsabilité du dysfonctionnement. L’alternative est de trouver les ressorts qui donnent envie de réussir ensemble.

C’est-à-dire construire des relations efficaces avec l’ensemble des acteurs impliqués. Pour y arriver, cela suppose un alignement sur des priorités communes, une fluidité de la communication et une capacité à résoudre les tensions et les désaccords. Autrement dit, faire alliance et mettre en place les conditions de la codépendance mutuelle.

Combiner les contraintes pour assumer sa responsabilité, nécessite d’accepter la complexité des situations et de s’y adapter. Attention à la tentation de proposer des solutions apparemment simples à l’emporte-pièce et à s’enfermer sur ce qu’on sait faire. La responsabilité concerne ce que l’on produit, mais aussi l’effet que l’on produit par ses comportements.