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Le patron et le syndicaliste – Eric Albert

Comme le résultat du conclave est décevant ! Les partenaires sociaux se sont, les uns et les autres, rétractés au dernier moment sur des positions de refus plutôt que de compromis. Comme on le sait, ce dernier demande plus de courage que le confort de la fermeture partisane. Une fois de plus, c’est le sens de l’intérêt général qui est sacrifié.

En contrepoint de cet arrimage sur des positions de principe, le livre d’échange entre Benoit Bazin et Laurent Berger* illustre combien la qualité du dialogue est féconde. Ce dernier s’est prêté au jeu de questionner un patron du CAC40.

Première leçon qu’il nous donne, commencer par rencontrer l’individu derrière l’homme public. Comprendre d’où il vient, quelles sont ses valeurs, ce qui l’anime, quel sens il met dans sa fonction et quelles sont ses motivations profondes, change la tonalité de l’échange. Dès le début, on sent que se crée entre les deux hommes une complicité construite sur une estime mutuelle et le partage de valeurs.

L’échange se poursuit par thèmes au cours desquels Benoit Bazin, sous le feu des questions, décrit la vision de son rôle, la façon dont il hiérarchise et ce à quoi il consacre son temps.

La partie managériale est riche d’enseignements. Ce qui ressort, c’est la cohérence du modèle. D’abord une organisation géographique pour que les pays (toujours dirigés par un local) aient une véritable autonomie. Tous les produits du groupe sont à leur disposition, à charge pour eux de développer leur activité. Ensuite une conviction managériale qui repose sur la triade confiance, responsabilisation, collaboration. Reste l’incarnation qu’il donne par son style de leadership : simple, disponible avec générosité et une grande importance accordée au sens.

À force de l’écouter Laurent Berger lui fait le compliment suprême : « Parfois j’ai l’impression d’avoir en face de moi un militant. Un militant, c’est quelqu’un qui fait des choses, qui est en conformité avec ses valeurs et qui essaie de donner un peu plus de sa personne pour aller dans ce sens-là ».

Ainsi le syndicaliste réalise qu’un patron peut être, à sa façon, un militant. Dès lors l’échange est d’une autre nature. L’enjeu n’est plus dans les postures faciles, mais dans la construction ensemble de solutions aux problèmes collectifs. Se connaître en tant qu’individus pour se comprendre et se respecter, c’est-à-dire construire une relation de qualité, est utile pour ensuite cheminer et construire ensemble. Peut-être le conclave aurait dû commencer par là. *Voies de passage (L’aube)