expand

Rapidité des retournements - Eric Albert

C’est arrivé vite ! Le dirigeant de l’industrie automobile le plus respecté et admiré est brutalement cloué au pilori et il ne sera probablement pas renouvelé. Pourtant Carlos Tavares avait, jusqu’à présent, plus fait couler d’encre sur ses performances et ses revenus mirobolants que sur ses défauts. Nul doute que ce cas sera décortiqué par les universitaires pour comprendre comment on passe si vite du Capitole à la roche tarpéienne.

On peut faire des hypothèses. Ce qui a caractérisé le mode de management de Carlos Tavares c’est la réduction obsessionnelle des coûts, l’extrême pression mise à ses équipes et l’hyper contrôle de l’ensemble. D’ailleurs lorsqu’il a reconnu publiquement les problèmes notamment aux US, il a dit « Nous avons été arrogant, j’ai été arrogant. Mais nous ne sommes pas au courant de tout. » En somme il considère qu’il aurait dû tout connaître pour intervenir à temps sur chaque problème (ce qu’il a fait en allant traiter le sujet américain lui-même pendant ses vacances). Il n’y avait pas de patron des US ? Pourquoi l’information n’est pas remontée ?

Son mode de leadership a permis au groupe de faire une marge de 14,4% en 2023. Mais qu’a-t-il fait pour préparer le moyen terme ? Où est l’équipe dirigeante responsable qui remonte ses difficultés et qui utilise l’intelligence collective afin de trouver les meilleures solutions ?

Ce que montre cet épisode c’est que l’efficacité d’un mode de leadership est contextuelle. Ce qui marche à un moment donné n’est pas une panacée universelle. L’enjeu du dirigeant est de garder une souplesse adaptative. Il doit pouvoir modifier ses pratiques et ses comportements en fonction des circonstances plutôt que de s’enfermer dans un mode de management toujours identique. Cela montre aussi que l’évaluation de la performance surpondère le court terme par rapport au moyen terme. Une entreprise peut obtenir d’excellents résultats au prix d’une fragilisation dans la durée. Cette entreprise qui est issue de modèles familiaux des deux cotés des Alpes, semble avoir été gérée comme s’il s’agissait d’un LBO où il s’agit de paraître le plus attractif à court terme sans se préoccuper du futur.

La surperformance d’une entreprise doit conduire à s’interroger sur ce qui est fait pour construire des bases solides pour le futur. Et l’évaluation d’un dirigeant ne peut se faire que sur les résultats de l’entreprise. Sa souplesse comportementale et sa capacité à utiliser un vaste registre de leadership sont essentiels.