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Rapports de force - Eric Albert

Après les agents de la SNCF puis les aiguilleurs du ciel, c’est au tour des éboueurs de menacer de grèves la période des JO. Gageons qu’ils obtiendront, si ce n’est l’intégralité de leurs revendications, au moins des avancées substantielles. L’enjeu des JO est tel pour les pouvoirs publics que toute menace un peu crédible qui pourrait en perturber le bon déroulement doit être désamorcée quoi qu’il en coûte. Si l’on se met à la place des intéressés, il est compréhensible qu’ils jouent leur carte au moment où le rapport de force leur est profitable.

Ce rapport de force existe en permanence mais la plupart du temps de façon implicite. De façon indirecte, chacun en teste les équilibres. Le management est, par exemple, très attentif à la façon dont les acteurs réagissent à une absence d’évolution salariale. Les équipes regardent de près l’attitude d’un dirigeant face à l’absence d’un collaborateur à un événement important. Chacun guette comment sa contre-partie réagit. Et lorsqu’une crise se déclenche, on peut mesurer la réalité des forces en présence.

Les rapports de force sont le reflet de la divergence des intérêts entre différentes catégories d’acteurs. Dès lors qu’il y a divergence, chacun essaie de faire valoir les siens propres aux dépens de ceux des autres. Lorsque les intérêts sont convergents, d’autres types de relations sont à l’œuvre comme la collaboration et l’entraide qui reposent sur d’autres ressorts que l’intérêt individuel.

Dans chaque organisation les deux types de relations existent et, quoiqu’on fasse, continueront d’exister. Pour autant, l’entreprise a intérêt à limiter les rapports de force car si par moments, ils lui sont favorables, la situation peut s’inverser très vite. Pour cela, la question du sens et de comment chacun y contribue est essentielle. Si chacun se sent participer à une aventure collective dont il perçoit l’utilité pour la société au sens large, il s’inscrit plus volontiers dans l’intérêt commun. Mais il faut ajouter l’équilibre entre les quatre parties prenantes que sont les clients, les salariés, les actionnaires et l’écosystème de l’entreprise. La perception que l’une de ces parties prenantes bénéficie plus que les autres des efforts collectifs, renvoie chacun à ses intérêts individuels. Enfin, plus l’entreprise favorise le collectif et la solidarité entre les acteurs moins les démarches catégorielles émergent.

Les rapports de force seront toujours présents. Mais les entreprises peuvent en atténuer certains effets négatifs par le mode de leadership qu’elle choisit de mettre en place. L’achat de la paix sociale est un aveu d’échec managérial.