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Se préparer au pouvoir

Rien n'est jamais sûr. Mais ce poste tant convoité est enfin à portée de main. Ce moment particulier où le très probable reste encore contrebalancé par une pointe de doute, est souvent mal utilisé.

D'un côté, ceux qui ne veulent rien envisager tant que rien n'est sûr, car la peur de la déception domine. Pour la conjurer, ils refusent de se projeter dans le fauteuil convoité. Pourtant, ils ne manquent pas d'être sollicités par leur entourage. Dans l'entourage, certains se contentent d'être plus attentifs aux avis des promis pour se montrer systématiquement d'accord avec eux, d'autres, plus audacieux, ont déjà commencé à proposer leurs services dans l'organisation future qui ne manquera d'être modifiée. Ces derniers sont vertement remis à leur place, ils finiraient par « porter malheur ».

 

De l'autre, les audacieux considèrent que ce qui est probable à 80 % peut être considéré comme acquis et se comportent déjà comme s'ils avaient été nommés. Prenant des contacts pour constituer leur équipe, ils font passer le message que la nomination officielle n'est qu'une formalité et qu'il n'y a pas de temps à perdre. Dessin de la nouvelle organisation, hypothèses d'organigramme et premières décisions sont déjà prêts. On pourrait qualifier les premiers de pessimistes et les seconds d'optimistes, mais là n'est pas le principal.

Les deux attitudes ne préparent pas à la prise de poste. Face à une incertitude, source d'anxiété, les uns s'empêchent de réfléchir et les autres aussi mais en se projetant à l'avance dans l'action. Les deux ont en commun que, lorsqu'ils seront effectivement nommés, pris par la pression de l'entourage et celle plus grande encore de prouver leur légitimité, ils ne pourront s'empêcher d'agir.

 

Cette période d'incertitude est précieuse, non pas pour commencer à trouver des solutions mais pour se poser des questions. Quelle est sa propre vision de l'activité en question ? En quoi cette vision est-elle porteuse d'avenir pour les équipes ? Où sont les priorités ? Comment faire adhérer les équipes ? Commencer par une liste de questions donne la mesure du sujet. Le risque est de vouloir y répondre trop vite et d'accumuler des évidences déjà connues. Ce qui permet de se plonger dans le confort de l'action opérationnelle. Autre question à se poser : comment y réfléchir ? Seul, à plusieurs, avec qui ? Se préparer au pouvoir, c'est travailler sur la prise de recul et plus encore développer une méthode pour cela. C'est peut-être ce qu'il y a de plus difficile à faire dans la vie active. Faire ce qui est difficile, n'est-ce pas à cela que l'on reconnaît les dirigeants ?