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Peut-on préserver son agilité ?

Les observateurs en font le constat : une entreprise récente est presque toujours plus agile qu'une entreprise qui existe depuis longtemps. Pourquoi ce phénomène ? Est-il irrémédiable ? Intuitivement, la raison paraît simple : l'âge. L'agilité est l'apanage de la jeunesse et ce qui se constate chez les individus pourrait concerner aussi les entreprises et les économies nationales. Peut-être, mais essayons d'affiner la réflexion. Les entreprises qui ont acquis une certaine maturité ont en commun d'avoir réussi, au moins, à trouver un business modèle et à l'avoir rendu suffisamment rentable. Ce qui leur a permis parfois de croître et toujours de se stabiliser. Ce premier succès rassure et renforce la conviction que ce qui a marché dans le passé est la meilleure garantie pour le futur. Les années passent et, souvent brutalement, la prise de conscience s'impose, il faut changer, s'adapter à une nouvelle donne. D'un seul coup, les équipes ont à se confronter à des paradoxes. La nécessité de tenter, de tester de nouvelles idées, donc de fonctionner par essai/erreur à un moment où il faut à tout prix réussir. La nécessité de retrouver de la confiance (en soi et dans les autres) à un moment où l'inquiétude monte. La nécessité de créer une dynamique collective à un moment où chacun est tenté par le repli sur soi. La nécessité, pour les dirigeants, de pousser à l'initiative à un moment où leur tentation est de reprendre le contrôle. Dépasser ces paradoxes dans l'urgence est évidemment plus douloureux pour les acteurs. Autrement dit, le succès, si l'on n'y prend pas garde, installe dans une routine rassurante. Et, cette routine, insidieusement, fait perdre sa souplesse. Rien d'irrémédiable à cela, à condition d'entretenir son agilité à tout moment, y compris lorsqu'il semble que ce ne soit pas nécessaire. Une sorte d'hygiène de vie de l'entreprise qui suppose de favoriser la remise en cause individuelle et collective. Cela pousse à des adaptations progressives mais réelles. Comme il ne pourra jamais contrôler les mouvements brutaux de l'environnement, le dirigeant a ce rôle spécifique : maintenir son organisation en alerte mais surtout en entretenir la souplesse adaptative. En somme, éviter les pièges du succès.