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On le fait déjà - Eric Albert

Bien souvent, celui qui est porteur de nouvelles propositions est confronté à la réponse lapidaire : on le fait déjà. Manière de clore définitivement le sujet sans prendre le temps de s’y arrêter. La plupart du temps la proposition amène quelque chose de différent de nature à améliorer et parfois changer les pratiques. Mais celui qui décide se montre fermé à tout changement.

Cela commence souvent par l’individu lui-même. Lorsqu’il reçoit un feedback, il répond qu’il le fait déjà. Il ne manque pas de justifications de toutes sortes pour démontrer que son comportement est parfait et ne nécessite en rien d’être remis en cause. Et bien sûr cela concerne les projets ou les politiques de toutes sortes. L’accompagnement des hauts potentiels ? On le fait déjà. La mise en place des conditions de l’intelligence collective ? On le fait déjà, etc… En fait, la formule révèle deux mécanismes psychologiques.

Le premier est le refus de prendre du recul sur ce qui est mis en place pour s’interroger sur l’opportunité de changer. Pourquoi changer ce qui marche ? On ne peut pas changer en permanence. Les justifications ne manquent pas pour fermer la porte à toute ouverture qui pourrait apporter des améliorations.

Le second est plus grave encore. Celui qui utilise la formule « on le fait déjà », dit qu’il a « coché la case ». Il considère que cette part de son travail est faite. Il ne s’interroge pas sur le résultat de ce qu’il fait, il se contente de l’avoir fait. Ce qui compte n’est pas l’effet produit mais d’accomplir la tâche. Celle-ci doit, de préférence, permettre de rester dans sa zone de confort et de n’avoir qu’à répéter ce qui est déjà connu.

La capacité de remise en cause est nécessaire pour initier toute démarche d’amélioration. C’est souvent plus critique dans les fonctions car elles sont moins soumises à une mesure rigoureuse de l’effet de leurs actions. Toutes les directions de la formation disposent d’un catalogue complet sur le management, mais est-ce que les managers progressent suffisamment pour accompagner les mutations de l’entreprise ?

Méfions-nous de cette formule « on le fait déjà » que chacun a déjà employé. Elle n’est souvent qu’une protection d’un confort personnel et collectif. On fait déjà à peu près tout. Mais la question est comment le faire autrement pour être sûr que l’on continue de progresser.