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Conformité, égalité, sécurité - Eric Albert

La France a changé de devise et personne ne s’en est rendu compte. À écouter tous les grands patrons et plus spécifiquement les industriels, la France est devenue l’un des pays développés où il est le plus difficile d’entreprendre. Y compris dans les sujets d’avenir comme l’énergie renouvelable. Le phénomène va bien au-delà des grandes entreprises partout l’énergie créatrice est corsetée voire bloquée par les règles, normes ou lois. Ceux qui les conçoivent le font au nom de cette nouvelle devise. Et qui pourrait être contre chacune de ces dimensions ? Plus elles sont mises en œuvre, plus elles font avancer le bien public. Donc plus on favorise la conformité, l’égalité et la sécurité, plus ce qu’on fait est bon pour la France. C’est en tous cas leur conviction et ils y mettent toute leur énergie et leur intelligence.

L’entreprise n’est pas à l’abri. Elle aussi se laisse aller à sur-multiplier les normes avec la même devise. De fait pour tous les sujets de fond, ceux qui constituent le cœur de l’activité de l’entreprise, elle peut être parfaitement adaptée. On ne gère pas une banque, une usine ou une activité de transport sans être parfaitement conforme, totalement égalitaire et sans respecter les règles de sécurité. Mais s’il faut être parfaitement rigoureux sur l’essentiel, il faut, en revanche faire preuve de beaucoup plus de souplesse pour tout le reste. Faut-il que cette devise s’applique au recrutement, à la délégation, aux mesures de rétention, à la gestion des notes de frais, etc ? Lorsque c’est le cas le « processor » invente un système qui transforme la vie de l’utilisateur en cauchemar.

Car celui qui fixe les règles est dans une obligation de moyens et pas dans une obligation de résultat. Égalité : règles doivent s’appliquer à tous de façon identique. Conformité et sécurité, elles doivent prévoir toutes les situations potentiellement transgressives et se donner les moyens de les prévenir. Les règles viennent du siège et des fonctions supports. C’est-à-dire des entités de l’entreprise qui sont les moins attendues sur les résultats tangibles et qui sont les plus éloignées des clients.

Cette nouvelle devise, pleine de bonnes intentions, aboutit in fine à bloquer toute initiative et expression de l’intelligence des acteurs. Leur préoccupation principale se centre sur comment la respecter au mieux. Ce qui devient une fin en soi. Les dirigeants doivent veiller à ce que les règles qui concernent le cœur de l’activité n’envahissent pas toute l’entreprise au risque de la paralyser.