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Allégeance – Eric Albert

Bruno Retailleau a déclaré qu’il n’était pas macroniste et qu’il était opposé au « en même temps ». Cela a déclenché l’ire des députés du camps présidentiel qui exigent sa démission du gouvernement. Comme souvent les députés se montrent plus prompts à l’indignation et à l’exclusion qu’à la construction dans le compromis. Reste la question de la nécessité éventuelle de l’allégeance au chef.

Les leaders sont très attentifs à la fidélité de leurs collaborateurs. Chacun a pu vivre des situations où il a eu l’impression d’avoir été trahi. Dès lors, ils veillent à la loyauté de leur entourage. Quoi de plus normal ? Mais faut-il pour autant de l’allégeance. Celle-ci suppose une soumission au boss. Elle se différencie de l’alignement qui consiste à partager les objectifs et les principes de la mise en œuvre. L’alignement se fait sur un projet, l’allégeance sur une personne. L’allégeance fait perdre le sens critique et conduit les acteurs à ne pas exprimer leurs critiques ou désaccords. Pire, elle pousse le chef à s’enfermer, encore plus qu’il ne l’aurait fait naturellement, dans un hubris dangereux. N’ayant plus de contradicteurs, il se renforce dans l’absence de doutes et la certitude qu’il a raison parce qu’il est le chef.

Dès lors, l’enjeu pour un chef est d’avoir des contradicteurs qui n’en sont pas moins loyaux. Cela passe avant tout par sa propre attitude et son mode de management de ses collaborateurs directs.

Commençons par la loyauté. Un collaborateur loyal exprime ses feedbacks à son chef mais ne les diffuse pas, ni en interne ni en externe. Le boss doit l’y inviter et montrer qu’il les a entendus (ce qui ne signifie pas nécessairement qu’il y adhère). En parallèle, il est essentiel de mettre un cadre sur le devoir de réserve des dirigeants.

Pour susciter la contradiction, encore faut-il exprimer pourquoi elle est nécessaire et utile. Mais il faut aussi l’organiser. Expliciter à quel moment elle doit s’exprimer, sous quelle forme et dans quel but. Les opinions divergentes sont au cœur de ce qui permet l’intelligence collective dans une phase d’exploration et d’élaboration de la décision. Lorsque celle-ci est prise, l’alignement doit être sans faille.

Enfin, le chef doit montrer que l’enjeu n’est ni de lui plaire, ni d’être aimé par lui, mais d’apporter de la valeur à l’équipe et à l’entreprise. Il doit être évident pour tous qu’il ne cherche pas à s’entourer de fidèles, mais de professionnels compétents qui ont les comportements adaptés.