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Savoir se tromper

Savoir se tromper est tout un art. Nous n’avons pas trop de toute notre vie professionnelle pour le cultiver. Pourtant, ce ne sont pas les occasions qui manquent. C’est plutôt que nous avons du mal à en profiter pleinement. Il y a ceux qui n’ont pas compris le bon usage de cette pratique essentielle. Ils la gâchent en niant s’être trompés et pire encore en persévérant. Comme s’ils considéraient que reconnaître leur erreur serait une atteinte grave à leur image. D’autres, ce n’est guère mieux, pensent qu’ils ont été choisis pour corriger les erreurs de leurs collaborateurs. Leur emploi du temps est construit pour vérifier ce que font les autres. Eux sont paralysés à l’idée que leur chef infaillible détecte une faille. Pourtant ce même chef, ne serait-ce que par le choix de ces collaborateurs en lesquels il n’a pas confiance, s’est trompé sans s’en rendre compte (et persiste en les gardant). La question n’est pas de savoir si l’on se trompe mais de l’admettre quand cela nous arrive régulièrement. Surtout dans les positions de dirigeant qui supposent de passer d’un sujet à l’autre très rapidement dans un zapping permanent. Dès lors, les décisions se prennent dans un mode quasi automatique, en fonction d’expériences précédentes qui ont induit des convictions. Ce mécanisme décisionnel, qui a l’avantage d’être rapide, consiste à reproduire ce qu’on a déjà fait. Ce qui est l’un des mécanismes classiques de l’erreur. Tout est une question d’état d’esprit. Si l’on est habité par la conviction que l’on ne doit pas se tromper, on se place soit dans une immense difficulté à décider qui conduit à la procrastination, soit dans une attitude rigide qui consiste à défendre à tout prix ses propres avis. A l’inverse, si l’on sait que l’on se trompe, on s’organise en fonction. D’abord, on s’appuie sur la multiplicité des points de vue. En considérant que l’avis des autres est a priori intéressant et toujours indispensable pour ne pas s’enfermer dans ses propres convictions. Ensuite, on sait qu’une décision doit pouvoir être réévaluée régulièrement sans y mettre des questions d’ego. Enfin, on libère ses équipes dans une pratique de l’essai-erreurs qui, seul, ouvre à l’innovation. Savoir que l’on se trompe n’est en rien un défaut d’exigence, c’est la première étape de la véritable exigence.