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Les idéologues et les pragmatiques

Une fois de plus, seule la CFDT a signé l’accord, en l’occurrence celui de l’AP-HP sur le temps de travail. Voilà qui est révélateur d’un fonctionnement caractéristique en France. Une partie des acteurs agit, une autre se drape dans ses principes pour justifier son immobilisme. Leurs principes sont souvent incontestables, bien-pensants et généreux. Ils leur donnent bonne conscience et leur permettent de refuser de se confronter à la réalité en s’abritant dans un discours du refus du compromis (souvent assimilé à la compromission).

Ce clivage entre ceux qui agissent et ceux qui font appliquer les principes est aussi très présent dans le fonctionnement des entreprises. Les principes s’appellent règles, process, organisation, conformité, RSE, cadre stratégique, etc. Lorsqu’ils sont conçus, ils partent toujours d’une bonne intention. Pour les faire appliquer et vérifier qu’ils sont respectés, toute une organisation, alimentée par de nombreux acteurs, se met en place. Celui qui est en charge d’agir, de produire, d’innover, bref de créer de la valeur, est en permanence sous leurs regards, leurs commentaires, voire leurs diktats. Pire, il est souvent a priori suspect. On peut voir s’installer une entreprise à deux vitesses. D’un côté ceux qui font, de l’autre ceux qui disent comment faire et ce qu’il ne faut pas faire. L’agacement mutuel est souvent tangible. D’autant que tout concourt à faire croître le nombre de ceux qui sont du côté de la règle : réductions de coûts, multiplication des réglementations imposées par la puissance publique, validation de la case de la RSE mais aussi besoin des dirigeants de contrôler leur organisation.

Il faut donc être vigilant. D’abord, en veillant à ce que les équipes poursuivent une finalité commune alors que bien souvent elles ne voient que les objectifs de leur entité ou de leur fonction. Le projet commun doit être omniprésent dans la tête de tous. Ensuite, en systématisant la mobilité pour que chacun connaisse les deux côtés de la barrière. Cela oblige à sortir de la posture dans laquelle on s’enferme volontiers à force de se confronter à « l’autre camp ». Plus l’alternance est fréquente, moins il y a de risques de créer une sorte de corps de fonctionnaires internes moins préoccupés par la création de valeur que par l’imposition de leurs contraintes.