Les Français entretiennent avec leur travail une relation passionnelle : ils l'adorent... tout en le détestant ! En effet, d'après la dernière enquête de l'Observatoire de la vie au travail*, 62,5% d'entre nous l'investissent positivement. 82% se disent même très impliqués dans leur job. Pourtant, au quotidien, 46% des salariés ressentent d'importantes frustrations. Principal accusé : le management de l'entre prise. « Il y a un profond décalage entre le regard que les salariés posent sur leurs conditions de vie professionnelle et leur idéal, explique Pierre-Eric Sutter, psychologue du travail et auteur de Réinventer le sens de son travail (éditions Odile Jacob). Mais s'ils sont déçus, continue l'expert, c'est avant tout parce qu'ils en attendent beaucoup. » A l'instar de Sophie, infirmière, qui avoue sans détour: « Je ne supporte plus mon boulot, car on ne me laisse pas le faire correctement. » Compréhensible. Mais si, au lieu de se morfondre, on essayait de retomber amoureuse de son job?
1. Je commence par traquer les points positifs
La morosité ambiante et le pessimisme national nous exhortent à voir le verre à moitié vide plutôt qu'à moitié plein. Et à focaliser notre attention sur les facteurs de stress (boss injuste, clients pénibles, absence de perspectives. ..), on en oublie les côtés sympas !
LE BON RÉFLEXE Accuser réception de toutes les choses qu'on aime dans ce boulot, car il y en a forcément ! « Durant une semaine, listez toutes les activités qui, d'une part, vous procurent du plaisir, de la fierté et de la satisfaction et, de l'autre, celles qui vous ennuient et vous fatiguent, recommande Laurence Saunder, directrice de l'Institut français d'action sur le stress**. L'idée étant, si le bilan est globalement négatif, d'échafauder un plan pour privilégier les activités énergisantes et réduire le temps dépensé aux activités énergivores. » Par exemple, en vous y consacrant le matin, « à la fraîche », portable éteint, ou en apprenant à déléguer davantage...
2. Je vois mon job comme un terrain d'expérimentations
« En signant un contrat de travail avec un employeur, on accepte de limiter sa liberté, décrypte Pierre-Eric Sutter. On a alors deux possibilités : soit vivre cette situation comme une contrainte aliénante, soit considérer son job comme un levier de développement personnel. » En choisissant la seconde, on ne travaille plus seulement pour son employeur, mais aussi pour soi-même, et cela change tout !
LE BON RÉFLEXE Analyser son parcours professionnel, avec ses loupés, ses réussites, ses répétitions de situation, mais aussi s'interroger sur son travail actuel : « M'offre-t-il la possibilité d'exercer toutes mes compétences? », « Quels sont les freins qui m'empêchent de progresser? » « Ce bilan permet de faire émerger des croyances, des pensées automatiques négatives (du type " Je suis trop vieille pour changer de poste " ou " Je suis trop gentille pour réussir ") qui entravent notre potentiel et notre capacité à agir, observe Pierre-Eric Sutter. L'objectif étant ensuite de trouver des solutions concrètes pour dépasser ces blocages, comme suivre une formation pour apprendre à parler en public si cela nous empêche de progresser. Au lieu de rester sur un échec, on en fait un moteur de réussite. »
3. J'achève au moins une mission par jour
Selon la chercheuse Ilona Boniwell, l'une des pionnières de la psychologie positive, avoir l'impression de maîtriser son temps est le meilleur moyen d'accroître son bien-être. Et cela ne passe pas forcément, au boulot, par une réduction des heures de travail.
LE BON RÉFLEXE Accomplir chaque jour une tâche après l'autre, de bout en bout, sans se laisser distraire. « Si vous êtes commerciale, imagine la coach Laurence Saunder, au lieu de vous noyer dans l'objectif annuel de la boîte (augmenter le chiffre d'affaires de 5%), commencez par le transformer en un but concret (décrocher un nombre précis de nouveaux clients dans les six prochains mois), puis rédigez votre feuille de route, quotidienne ou hebdomadaire. » Et bien sûr, une fois l'objectif atteint, n'oubliez pas de vous en féliciter !
4. Je réinjecte les valeurs qui me boostent dans ma vie pro
« Pour se sentir heureux au travail, il faut y trouver sa dimension symbolique, et la concrétiser, même dans de petits gestes, analyse Pierre-Eric Sutter. Ainsi, de simple exécutant, on devient l'artisan d'un " monde meilleur " : soit plus beau, soit plus juste, plus solidaire, plus intelligent ou plus utile... »
LE BON RÉFLEXE Au lieu de se dire qu'on a raté sa vie parce qu'on n'exerce pas le métier dont on rêvait initialement, chercher en quoi notre travail actuel vient nourrir nos valeurs. Exemple : technicienne de surface, plutôt que penser: « Mon job, c'est laveries sols ! », on réalise que derrière nos tâches, se cache l'envie de rendre un lieu plus agréable pour tous. Les autres ne s'en rendent pas compte ? Nous, si !
5. J'investis dans mes relations professionnelles
Quand on demande à un salarié ce qui le motive dans son job, « l'ambiance » arrive toujours en tête. Le collectif apparaît d'ailleurs comme le meilleur rempart contre le stress, le harcèlement ou le burn-out. « Ce besoin d'échange avec les autres est aussi vital que nos besoins naturels, confirme Pierre-Eric Sutter. En alimentant l'estime de soi, les signes de reconnaissance représentent le carburant de notre santé mentale. »
LE BON RÉFLEXE Comme la reconnaissance commence d'abord par soi, analyse Pierre-Eric Sutter, identifier sa valeur ajoutée (technique, relationnel). On peut aussi briguer une fonction d'élue au CE, mettre sur pied un club de lecture, devenir tutrice référente pour un stagiaire... C'est plus payant qu'attendre indéfiniment la reconnaissance de son N+1 ! « Passer en mode action, permet de développer d'autres compétences, qui pourront être couronnées, à plus ou moins long terme, d'une promotion », confirme Laurence Saunder. Enfin, on connaît l'effet contagieux du « bonjour », du « merci », du sourire ou du compliment !
6. J'accrois ma marge de manœuvre
Les neuroscientifiques sont unanimes : toute perte de liberté est assimilée à une menace pour le cerveau des émotions***. Il est donc de première importance de pouvoir, au travail, prendre des initiatives, oser exprimer ses besoins, son avis, même si ce n'est pas toujours facile ! « On n'est pas forcément créateur de son travail, mais on en est toujours auteur, ajoute Pierre-Eric Sutter. L'employé doit pouvoir, dans une certaine mesure, personnaliser et redimensionner son action. »
LE BON RÉFLEXE S'interroger sur sa marge d'action réelle. Or parfois, on n'en dispose pas : « On a tous un petit patron intérieur qui nous gouverne : " Fais pas ci ! ", " Il faut que... ", observe la coach Laurence Saunder. Si on le neutralisait, en travaillant sur ses freins internes ? »
Valérie Jossel, "Femme Actuelle"
*Etude Ovat, vague mai-juillet 2013.
**Auteure de « L'énergie des émotions » (Eyrolles)
***« Votre cerveau au bureau »,de David Rock (InterEditions).
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