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Responsabilité régalienne

Le projet de réforme de l'inspection du travail prévoit de donner aux inspecteurs la possibilité d'infliger des amendes aux entreprises, mais aussi, autre volet du projet, qu'ils aient à rendre des comptes à leur autorité centrale. Cette dernière disposition émeut la profession, qui y voit une remise en cause de son indépendance. Nous sommes là au coeur de ce qui constitue l'un des nombreux malentendus entre ceux qui détiennent un pouvoir régalien public et le secteur privé. Pour les premiers, l'exercice de leur fonction doit se faire par définition en l'absence de tout contrôle. L'indépendance, d'après eux, suppose la toute-puissance, les inspecteurs contrôlent et s'ils étaient eux-mêmes inspectés, ce serait par définition un risque de restriction suspect. Pour le secteur privé contrôlé, c'est exactement l'inverse, le contrôle régule et c'est son absence qui est par essence suspecte : sans contrôle, le risque de dérives est majeur. Chacun s'enferme dans sa logique avec une incompréhension majeure qui peut conduire à des drames (suicides, assassinat).

L'entreprise, en interne, a aussi à gérer son propre pouvoir régalien. Les fonctions centrales énoncent des règles et vérifient leur mise en oeuvre. Comme les fonctionnaires de l'Etat, ceux qui sont dans ces fonctions croient sincèrement que plus ils ont la main pour imposer les choses, mieux la communauté se portera. Au nom de principes (par définition bons), ils multiplient les contraintes qui, à mesure qu'elles descendent sur le terrain, deviennent de plus en plus absurdes face à la diversité des réalités. C'est pourquoi il est indispensable que le régalien soit en permanence sous contrôle pour éviter les excès de pouvoir.

Le contrôle doit porter sur la façon d'imposer les règles et contraintes, qui doit toujours être pédagogique dans la forme et s'effectuer sous la forme d'un dialogue qui intègre le contexte des opérationnels. Autrement dit, pour qu'une relation puisse se nouer, il est indispensable qu'il y ait un minimum d'interdépendance. Cette dernière étant la seule barrière aux risques de dérives.

Chacun sait que le niveau d'incompréhension entre une partie de l'inspection du travail et les entreprises est abyssal. Dans ce contexte, donner plus de pouvoirs aux fonctionnaires de l'inspection sans être tout à fait sûrs qu'ils seront régulés, c'est ouvrir une nouvelle source de tensions et de conflits. C'est exactement ce dont ont besoin les entreprises en ce moment !