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Jusqu’où être directif ? – Eric Albert

Le retour à un management directif est à la mode. Incarné par Musk, le management où le chef tout puissant décide de tout, séduit de plus en plus de dirigeants. Et, de fait, malgré les aléas récents du milliardaire américain, dans l’ensemble cela semble marcher. D’ailleurs diriger n’est-ce pas être directif ? Le chef n’est-il pas celui qui, avant tout, prend les décisions ?

La centralisation du pouvoir, dans un premier temps, simplifie. Un individu dispose de toute l’information et peut ainsi trancher en gardant la ligne directrice qu’il s’est fixée. Il n’y a pas de risque d’éparpillement, de doublons et d’orientations divergentes entre les différents leaders. Si, de plus, le chef est éclairé et intelligent, cela donne une mécanique bien huilée. Chacun est rassuré d’avoir un leader brillant qui comprend le monde et sait où il conduit l’entreprise.

Les limites sont de trois ordres. D’abord, l’effet entonnoir. Quelles que soient les capacités de travail du chef, elles ont leurs limites. À force de vouloir tout voir, il est vite submergé par les informations et les demandes d’avis sur tous les sujets. Soit il s’astreint à décider même s’il n’a pas le recul suffisant et il changera d’avis. Soit il laisse des sujets en souffrance qui n’avancent pas.

Ensuite, l’absence de contrepouvoirs le conduit à l’erreur. Qui pouvait dire à Musk que son engagement politique aurait un effet sur les ventes de Tesla ? Et cela provoque un phénomène de cour. Pour les équipes le sujet principal est de plaire au chef. Elles passent beaucoup de temps à anticiper ses réactions et à orienter ce qu’elles lui présentent, dans le sens supposé de ce qu’il souhaite.

Enfin, la centralisation du pouvoir, ne permet pas aux talents d’exprimer tout leur potentiel. À force de grandir dans un environnement où il faut l’autorisation du chef sur tout, les acteurs perdent une partie de leurs capacités à prendre des initiatives et plus encore à décider, donc à se mettre en risque.

La directivité peut être utile dans certaines circonstances. Notamment les périodes de crises ou lors de la mise en place de changements indispensables. Le risque est qu’elle s’installe comme mode de fonctionnement habituel. Chacun y trouve son compte en s’accommodant des inconvénients. Progressivement le chef s’impose comme étant indispensable au système. Jusqu’à son remplacement où on s’aperçoit qu’on peut faire différemment.

Chaque leader doit régulièrement questionner son niveau de directivité et le faire varier en fonction des circonstances.