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Les mots pour le dire

Le Premier ministre a créé une polémique en utilisant le mot « apartheid » à propos des quartiers sensibles. Cela nous rappelle combien un mot peut susciter de l’émotion, et pas toujours celle que l’on souhaite. Dans l’entreprise, ce risque existe aussi, mais l’usage des mots comporte un autre aléa. Celui de la pratique des mots valises, vides de sens ou plutôt dans lesquels chacun peut mettre le sens qu’il veut. Motivation, transversalité, stratégie, management, délégation, orientation client… Chacun capte un sens général derrière ces termes et y met le sens particulier qui l’arrange. Ainsi, lorsqu’un dirigeant dit : « Il faut activer les leviers de la motivation pour favoriser la transversalité », l’un de ses collaborateurs comprend que le montant des bonus va dépendre de critères collectifs, quand son voisin entend que des réunions conviviales vont être organisées pour que les membres des équipes puissent se rencontrer. Il n’est d’ailleurs pas sûr que le dirigeant qui a formulé la phrase ait lui-même les idées très claires. Plus les sujets ont trait à l’humain, plus ce phénomène est fréquent. Certains acteurs se sont fait une spécialité de l’usage de ces mots au sens nébuleux et sont capables de grandes déclarations vides de sens qui ne semblent servir qu’à les rassurer eux-mêmes sur leur propre importance. C’est l’une des raisons qui fait qu’il n’est pas rare que les décisions apparaissent floues après avoir été formulées par le dirigeant. Chacun derrière les mots peut (ou veut) entendre ce qui lui convient. C’est ainsi que des malentendus, voire des conflits, peuvent naître tout au long de la chaîne hiérarchique. Etre précis et se faire comprendre est une compétence première d’un dirigeant, mais faire expliciter à ses interlocuteurs ce qu’ils sous-entendent ne doit pas être oublié. En cette période d’entretiens annuels, c’est crucial. Des formules lancées trop rapidement comme « je t’ai trouvé démotivé » impactent émotionnellement, de façon inutile. Plus les descriptions qui conduisent à des interprétations sont claires, plus l’échange est constructif. Une technique, la reformulation, permet de s’ajuster et de vérifier que l’on parle de la même chose. Avant de finir vos entretiens annuels, demandez donc à votre collaborateur ce qu’il en retient.