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Réglementer le management – Eric Albert

Quatre membres de l’inspection générale des affaires sociales ont produit un rapport comparant les pratiques managériales en France avec celles de 4 autres pays européens. Leur constat est peu flatteur pour les managers français. Ils seraient verticaux et hiérarchiques et reconnaissants peu le travail de leurs collaborateurs. Le rapport soulève différentes hypothèses sur les causes de ce mal français, puis propose différentes solutions. Les premières relèvent des politiques publiques par exemple en termes d’éducation ou de promotion de l’innovation managériale. Les secondes sont du registre juridique ou règlementaire. Comme étendre les pouvoirs du CSE en matière d’organisation du travail.

Passons sur la question de savoir si en période de restriction budgétaire, il est pertinent que des hauts fonctionnaires produisent un rapport sur le thème du management en France. Non pas que le sujet ne soit pas important, il est fondamental. Mais qui pense qu’un tel rapport va vraiment améliorer la pratique quotidienne des managers ? Avoir perdu son temps n’est pas si grave.

Les choses deviennent beaucoup plus inquiétantes lorsque parmi les solutions envisagées par les auteurs, ils proposent de nouvelles règlementations qui devraient s’imposer aux entreprises. Cela devient même clairement dangereux. Car les auteurs décident qu’un modèle de management est le bon en toutes circonstances et doit donc être appliqué selon des normes qu’ils fixent.

Si quelques grands principes de bon sens, qu’ils citent d’ailleurs, comme l’autonomie et la reconnaissance du travail accompli, sont des lignes directrices, ce ne sont pas pour autant des vérités universelles. Dans les périodes de crise, on peut attendre plus de discipline que d’autonomie.

Le management est l’art de s’adapter à des contextes et à des enjeux spécifiques de l’entreprise. Mais aussi de tenir compte de l’état de ses équipes, de leur compréhension du contexte, de leur niveau de motivation et de fatigue, etc. C’est donc tout le contraire d’une méthode universelle qui s’applique à toutes les situations. D’ailleurs si cela existait, il y aurait longtemps qu’elle serait mise en œuvre partout avec des process bien établis.

La formation des managers doit donc passer par cette capacité d’analyse et de mise en cohérence des équipes avec les challenges du moment. Et donc de leur apprendre à élargir les registres qu’ils peuvent utiliser. Sur certains sujets, savoir être directifs car personne ne prendra les décisions difficiles à leur place, et sur d’autres, déléguer largement. Le management ne se prête pas à la règlementation, mais à l’intelligence situationnelle.