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Quel usage de la pression ? – Eric Albert

D’un coté l’absence totale de pression, de l’autre la pression maximale. Ni avec les Russes, ni avec l’Ukraine, le président américain ne semble obtenir quoi que ce soit. Les premiers le couvrent de compliments mais ne font aucune concession, d’ailleurs il ne leur en est pas demandé. Et Zelensky, qui pourtant a tout à perdre, a claqué la porte du bureau ovale.

Pour chaque dirigeant l’usage de la pression répond avant tout à son tempérament. D’un coté les doux qui, même lorsqu’ils s’imposent, le font avec rondeur. De l’autre les brutaux qui s’expriment directement et n’hésitent pas à monter le ton. L’enjeu justement est de pouvoir dépasser les tendances naturelles de sa personnalité : avoir une approche stratégique de la pression.

La pression est utile. Elle pousse à aller au bout. En l’absence de pression, bien souvent l’attention se porte sur autre chose et les sujets sont simplement oubliés. Mais l’excès de pression n’est pas meilleur. Il provoque des débordements émotionnels. À court terme, cela peut pousser les acteurs à agir mais c’est au prix d’une déstabilisation, d’une perte d’une partie de leurs capacités et de tensions relationnelles.

Il faut distinguer la pression qui est intériorisée comme celle des résultats lorsqu’ils sont liés à la rémunération variable, de celle qui nécessite d’être réactivée par des stimuli externes. C’est le rôle d’un dirigeant de faire porter la pression de façon discriminante sur les sujets que tout le monde oublie volontiers. La plupart du temps, nul besoin d’y mettre la moindre agressivité ou de monter le ton. Faire des points réguliers et poser les bonnes questions lorsqu’on a l’autorité nécessaire suffit largement.

La pression doit principalement porter sur les sujets liés à la transformation de l’entreprise et sur tous les changements comportementaux et culturels qui doivent l’accompagner. Dans l’activité quotidienne, la plupart du temps, les acteurs savent comment faire et sont centrés sur la nécessité d’aboutir. En revanche, tout ce qui concerne le changement et le moyen terme est volontiers oublié dans les tracas du quotidien. C’est là où la pression, c’est-à-dire le temps passé par le dirigeant à suivre en détail les avancées de chacun, est essentielle.

La pression ne doit pas être associée à la brutalité, elle est nécessaire pour faire contribuer chacun aux enjeux collectifs qu’il pourrait avoir tendance à « oublier ». C’est au dirigeant, tout en subtilité, de l’exercer en choisissant ses combats.