La tentation de la dissimulation - Eric Albert

Le procès de Martin Winterkorn, qui a été patron de Volkswagen pendant 8 ans dans le cadre du dieselgate, commence ces jours-ci en Allemagne. Il est notamment accusé d’avoir couvert l’usage du logiciel truqué qui minimisait les émissions d’oxydes d’azote, puis d’avoir prévenu les investisseurs uniquement après que le scandale a éclaté.

Il faut bien sûr que la justice établisse les responsabilités. Pour autant ce dont est accusé Martin Winterkorn concerne tous les dirigeants. C’est la tentation de dissimuler, lorsque les choses ne vont pas dans le sens souhaité. Pour ne pas exposer son image et qu’elle puisse être écornée, on omet certaines informations ou on les arrange.

Cette attitude peut être liée d’une part à la personnalité des acteurs et d’autre part au système d’évaluation des dirigeants. Sur le plan de la personnalité, certains ont un ego si développé que leur énergie est principalement orientée vers le maintien à tout prix d’une image d’eux-mêmes valorisante. Ils ne supportent pas la critique. Leur jeu relationnel ne vise qu’à trouver des interlocuteurs qui vont les aider à se mettre en valeur. Leurs collaborateurs savent qu’ils doivent avant tout une loyauté absolue au chef et le laisser prendre toute la lumière. Il est important de détecter ces dirigeants en amont pour veiller à ne pas les nommer. Car une fois en poste, ils mettent en place des mécanismes manipulatoires et sont difficile à déboulonner.

Au-delà des particularités de chacun, la façon dont les dirigeants sont évalués est aussi déterminante. Plus les dirigeants sont en haut de la pyramide, plus ce qui compte ce sont les résultats. Rien d’anormal à cela. Mais pour donner une perception de « bons résultats » beaucoup d’énergie est dépensée dans leur présentation. Et surtout, ce n’est plus l’individu qui est évalué. Tant qu’il délivre, il est considéré comme bon. Il est peu challengé. Il perd progressivement l’humilité nécessaire pour un minimum de remise en cause. Il s’enferme volontiers dans une image lisse de patron efficace donc incontestable. Dès lors, lorsqu’un problème émerge, il peut être tenté de préserver avant tout son image. Car c’est devenu son principal atout. Et donc présenter les choses en dissimulant ce qui pourrait lui nuire.

Pour parer à ce risque, il faut veiller à entretenir l’humilité des dirigeants. Et donc ne pas les laisser s’installer dans une image lisse d’apparente perfection pour, au contraire, valoriser les sujets sur lesquels ils peuvent s’améliorer.