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Renoncer - Eric Albert - Les Echos

Ces dernières semaines ont été marquées par le renoncement de François Hollande. Décision dont il est perceptible qu'elle avait été prise à regret et dont on peut imaginer qu'elle avait été le fruit d'un cheminement long et difficile. De fait, renoncer est bien souvent douloureux. Mais dans la vie de l'entreprise savoir renoncer est essentiel. Tel nouveau recruté que l'on a mis du temps à choisir n'entre pas dans le poste comme on l'espérait. Tel programme de projets est perturbé par de nouvelles priorités qui se sont surajoutées. Tel changement de contexte ne permet plus de consacrer le budget au développement envisagé. La nécessité de renoncer est simplement liée à la capacité d'adaptation. Les événements apportent de nouveaux paramètres qui obligent à reconsidérer ce qui a été décidé.

Or tout nous pousse, lorsqu'on a initié un projet ou fait un choix, à persister. On sélectionne les informations qui nous conduisent à sous-évaluer toutes celles qui seraient de nature à nous faire évoluer. D'abord parce qu'on n'en a pas envie. Pas question de renoncer à la façon dont on avait projeté l'avenir, voire à ses rêves. Et puis, renoncer c'est prendre le risque de passer à côté de quelque chose d'important : on pourrait le regretter. Enfin, comment assumer le faire de se dédire ? L'option prise, on l'a défendue, on s'est engagé, on a pesé en exprimant ses propres convictions. Comment assumer les regards des autres qui verront au mieux un revirement et au pire une défaite personnelle ? Sans compter que la persévérance est valorisée et considérée par tous comme une qualité.

A l'inverse, l'hyperadaptabilité, qui consiste à sauter d'un sujet à l'autre, est génératrice de confusion pour tous les acteurs concernés. Chaque nouvel événement qui provoque une émotion ouvre à une priorité supplémentaire. En se multipliant, elles font perdre tout sens et toute continuité de l'action. Entre le risque d'être une girouette ou simplement de manquer de persévérance et celui de s'enfoncer dans une mauvaise option, la porte est étroite. Il faut lutter d'une part contre sa propre rigidité, et d'autre part contre la tentation de surréagir et de céder à l'immédiateté.

Et après ?

Quelques balises pour se repérer face à la question du renoncement. Ne pas confondre son intérêt personnel et celui de l'entreprise que l'on sert. La référence doit être l'ambition de l'entreprise, sa stratégie. Cela suppose de prendre le recul nécessaire pour hiérarchiser en permanence. Chaque sujet doit avoir un niveau d'importance. Et si tous le sont, c'est que les dirigeants n'ont pas assez poussé leur réflexion pour donner la ligne directrice. La vigilance sur soi nécessite d'être attentif à la tentation de toute-puissance, l'hubris qui guette tous les dirigeants. Ne pas renoncer , c'est l'illusion que l'on peut tout faire. L'exigence ne doit pas se transformer en toute-puissance. L'autre risque est l'inconstance. Perdre sa ligne directrice pour n'être qu'opportuniste. S'enflammer pour chaque nouveauté dans un éparpillement où l'essentiel et la cohérence se sont dissous dans l'action. Renoncer, c'est faire le choix de la cohérence du projet collectif.