expand

L’âge du capitaine

Si vous avez plus de 55 ans – ce qui est mon cas -, ne lisez pas cette chronique, elle pourrait vous agacer. Le principal enjeu des entreprises aujourd’hui réside dans leur capacité d’adaptation. Jamais le monde n’a évolué si vite. Jamais les nouveaux entrants n’ont réussi aussi facilement à s’insérer dans la chaîne de valeur des acteurs installés depuis longtemps. Jamais les salariés, qui ne font que refléter le corps social, n’ont été autant en attente de nouveaux modes de travail et de relations différentes dans l’entreprise. Ce constat, la plupart des dirigeants le partagent. Et pourtant, force est de constater que la plupart d’entre eux font peu évoluer le fonctionnement interne de leur entreprise. En fait, derrière des changements organisationnels qui donnent l’impression du changement, ils restent fondamentalement sur un même modèle en faisant bouger les curseurs de la matrice. Pourquoi autant de décalage entre cette nécessaire préparation aux bouleversements qui se profilent, et ce qui est fait ? La première hypothèse est l’âge du capitaine. Beaucoup de dirigeants ont un calendrier devant eux de quelques années. Il est beaucoup plus simple de « faire tenir » l’ancien modèle qui a fait ses preuves jusqu’à présent que de se lancer dans des grands changements. D’autant qu’il s’agit de faire comprendre à tous que les ressorts de l’efficacité passée ne sont pas ceux du futur. Par exemple, l’évaluation individuelle de la performance va à l’encontre de véritables dynamiques de collaboration. Mais renoncer à la mesure de la performance individuelle, c’est perdre le contrôle sur les acteurs. Et ce critère domine les autres. La seconde hypothèse est qu’ils ne savent pas comment faire. Devant l’ampleur des changements à mettre en place pour avoir une entreprise plus agile, plus collaborative, plus innovante, plus ouverte sur le monde, plus polyvalente, ils sont démunis. C’est pourquoi beaucoup renoncent. Ils se construisent un argumentaire rationnel d’autojustification, par exemple avec un « on ne fait pas changer les collaborateurs » qui les dédouane. En attendant, ils sont là et jouent la montre en espérant arriver à la retraite sans problème majeur. Parmi les compétences essentielles du dirigeant, il y a celle de se mettre en risque. Mais à ne pas y prendre garde, elle peut disparaître au fil des ans.