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Stress et performance - Eric Albert - Les Echos

toutes les grandes entreprises ont des programmes de prévention de ces risques. Certaines ont même un chief happiness officer.

Depuis une vingtaine d’années, les deux chiffres à mettre en comparaison dans chaque entreprise sont l’évolution des accidents du travail et ceux du stress. Les premiers ont baissé, dans la plupart des entreprises, alors que les seconds sont, au mieux, restés stables, et dans beaucoup d’endroits se sont dégradés. Pourtant depuis le début des années 2000, la sensibilisation des acteurs sur les sujets de risques psychosociaux s’est généralisée, notamment à travers les crises traversées par plusieurs entreprises largement médiatisées. Et toutes les grandes entreprises ont des programmes de prévention de ces risques. Certaines ont même un chief happiness officer. Comment expliquer le peu d’effet de ces programmes ? L’une des hypothèses est que c’est un sujet dont les dirigeants ne se sont pas saisis. Autant la sécurité est devenue un thème régulièrement abordé en comex (du moins dans les entreprises industrielles), qui fait lui-même une analyse des causes lors des accidents mortels. Autant le stress est un sujet évoqué mais jamais creusé. Une grande entreprise européenne a comparé sur une période identique les accidents du travail et les cas de burn-out. Il s’avère que les seconds sont beaucoup plus nombreux et induisent un cumul de temps d’arrêt de travail trois fois plus important que les accidents du travail. Lorsqu’on échange avec les dirigeants sur ces sujets, ils semblent considérer que le stress est un effet secondaire du travail. Voire même une nécessité pour la performance. D’ailleurs, ils ont tous vérifié que plus ils mettaient la pression sur leurs équipes, plus elles étaient performantes (du moins à court terme). Donc si le stress est le prix à payer de la performance, ils s’y résignent. Ils ajoutent volontiers que le monde dans lequel évoluent leurs équipes, qualifié de Vuca (volatil, incertain, complexe, ambigu) est aussi pour beaucoup dans cette perception de stress. C’est ainsi qu’ils referment volontiers le dossier pour le confier à la DRH. 

ET APRÈS?

La seule façon de sortir de ce déni des dirigeants face à ce phénomène est de leur montrer que le stress et les RPS, les risques psychosociaux, sont des freins à la performance. Il faut repartir de leur propre discours sur les comportements qu’ils souhaitent que leurs collaborateurs adoptent. Ceux qui sont le plus souvent cités sont : le sens de la responsabilité, la prise d’initiative et la collaboration. Or l’adoption de ces comportements suppose d’être dans un environnement émotionnel positif. Prendre des responsabilités, c’est assumer (y compris l’erreur). Prendre des initiatives, c’est oser. Collaborer c’est s’ouvrir, comprendre, gérer la relation. L’individu stressé a peur, il n’assume pas et ose encore moins. Il se referme sur lui et a une hyperréactivité émotionnelle aux irritants relationnels. Il ne peut adopter aucun de ces comportements. En revanche, il obéit et exécute ce qu’on lui demande. Les dirigeants doivent comprendre que le stress, qui produit des émotions négatives, a un effet direct sur les comportements de leurs équipes. Or ces comportements sont au cœur de la performance qu’ils disent vouloir promouvoir. Un peu de cohérence !