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Réussite collective

Une étude, publiée il y a quelques semaines dans la « Havard Business Review », montre que le pouvoir réduit les capacités à travailler en équipe. A l’inverse, les performances individuelles comme la capacité de concentration ou la créativité sont augmentées chez les personnes qui se sentent avoir du pouvoir. Cette étude devrait être prise en compte dans le débat sur les rémunérations des dirigeants relancé par Laurent Berger à propos de Carlos Tavares. Symboliquement, la rémunération très différenciée du patron par rapport à celle des autres est avant tout un signe implicite du pouvoir qui lui est donné intuitu personae. Cela revient à dire que ce dirigeant est à l’origine du succès (ce qu’il a dit pour se justifier) et induit, comme par évidence, qu’il est légitime de disposer d’un pouvoir le plus étendu possible. Or, nous dit cette étude, plus le dirigeant se sent en situation de pouvoir, moins il collabore avec les autres. Il perd, en collectif, les capacités créatives qu’il a au plan individuel, il a du mal à trouver des compromis avec les autres. Le pouvoir parasite celui qui s’en sent investi. C’est comme si, dans toute relation et interaction, se jouait, avant tout, le statut. Cette préoccupation statutaire empêche de trouver des solutions collectives, de s’orienter vers des compromis, bref, de contribuer à l’intelligence collective. Au-delà du débat sur la rémunération des patrons qui s’inscrit dans un clivage connu et avec des arguments répétés, il serait intéressant de poser celui de leur pouvoir. En effet, le modèle actuel vient du passé. C’est celui de l’être providentiel, qui, lorsqu’il réussit, est gratifié de toutes les qualités et peut imposer ses vues sans avoir quasiment d’oppositions. Beaucoup d’entreprises fonctionnent encore comme cela : guidées par un chef tout-puissant (et très bien payé). Le monde d’aujourd’hui est tellement changeant, complexe, disruptif que l’individu unique – aussi génial soit-il – ne peut prendre les bonnes décisions seul. Plus encore, chacun constate que la réussite durable d’une entreprise est toujours liée à la qualité de coopération entre les acteurs et à leur capacité à produire de l’intelligence collective. Or cela ne marche que lorsque les dirigeants montrent l’exemple. C’est donc le rapport au pouvoir, la capacité à le partager qu’il faut envisager de façon moderne. La rémunération en découlera.