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Prendre du recul sur soi

En ces temps de bilan, marqués par les entretiens annuels qui se concluent systématiquement par des bonnes résolutions, arrêtons-nous sur la perception que donnent les dirigeants à leur entourage. Cette perception est directement liée à leurs propres mécanismes psychologiques. Prenons l’exemple de l’hédoniste dont Freud dirait qu’il répond principalement au principe de plaisir. Souvent souriant et de bonne humeur, c’est un interlocuteur plaisant dont la présence est recherchée. Le problème est qu’il ne fait pas tout ce qui l’ennuie. Travailler ses dossiers, refuser les demandes qui lui sont faites ou trancher sur des sujets complexes dont les effets ne se verront qu’à moyen terme, il préfère éviter. Toujours plaisant, il a habitué son entourage à ne pas l’importuner avec ce qu’il n’aime pas faire.

A l’inverse, les perfectionnistes exigeants répondent, eux, à leur surmoi qui les tyrannise. Leur devoir n’est jamais accompli. Ils luttent en permanence contre leur culpabilité de ne pas faire assez bien, assez vite, assez abouti. Leur quête est le soulagement. Lorsque leur niveau d’exigence leur permet de considérer qu’ils ont réussi quelque chose, ils en tirent moins de satisfaction que d’avoir gagné un nouveau répit, de ne pas avoir raté. A l’opposé des précédents, ils apparaissent souvent préoccupés et leur irritation sur les dysfonctionnements, même mineurs, domine. Si l’un voit le verre à moitié plein, l’autre le voit toujours à moitié vide.

L’un et l’autre peuvent être appréciés pour des qualités opposées. Mais ils n’en sont pas moins limités par ces qualités qui sont en fait des traits psychologiques. Ils ont appris à s’en accommoder mais n’arrivent pas à les dépasser.

Rappelons que la valeur ajoutée d’un dirigeant s’appuie sur deux dimensions. D’une part, son expertise, son intelligence, sa compétence et, d’autre part, l’effet qu’il produit sur son entourage. L’un sans l’autre limite considérablement son utilité pour l’organisation qui l’emploie. Or, avec l’âge, les compétences continuent de s’enrichir de l’expérience mais les traits de caractère ne s’assouplissent pas, bien au contraire. C’est pourquoi tous les dirigeants doivent être particulièrement attentifs à eux-mêmes. Connaissant leurs tendances, ils doivent s’en méfier et cultiver leur capacité à faire l’inverse pour élargir leur registre en fonction de l’effet qu’ils veulent produire.