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L'effet psychologique - Eric Albert - Les Echos

Le nouveau président de la République n'est là que depuis quelques jours. Et, alors que, par définition, rien n'a encore été réalisé, et que l'on ne sait pas s'il aura les moyens législatifs de tenir ses promesses, le moral des cadres et des chefs d'entreprise n'a jamais été aussi haut. De même, la voix de la France dans le concert international a retrouvé une part de son autorité déclinante. Comment se fait-il que le simple style d'un individu, sa personnalité, puisse autant influencer son environnement ?

Le phénomène est analogue en entreprise, où l'impact du dirigeant sur son organisation est considérable. Lui-même, la plupart du temps, ne le mesure pas complètement. Et d'ailleurs, il n'a pas toujours l'influence qu'il souhaiterait avoir. Ainsi, le dirigeant contrôlant et perfectionniste réfrène ses équipes bien au-delà de ce qu'il souhaiterait. Et donc, il tente de contrebalancer cet effet par un discours de l'audace et de la prise de risque. En vain.

C'est que le dirigeant est avant tout un producteur d'émotions… L'effet produit par ses comportements domine les discours et crée les conditions de l'enthousiasme et de la confiance chez les collaborateurs. Certes, ces derniers peuvent donner des explications qui rationalisent leur ressenti mais ce qui produit ce ressenti leur échappe en partie. C'est une impression générale, essentiellement induite par le boss. Cela lui fait porter une responsabilité importante qui va bien au-delà de ce qu'il réalise concrètement. Encore faut-il que lui-même en prenne conscience et qu'il agisse en conséquence.

Le dirigeant ne serait-il qu'un média de communication ? Et, donc, tout ce qu'il dit, fait, montre, exprime devrait être pesé, calculé, contrôlé ?

Ce n'est évidemment pas possible et ceux qui cherchent à s'en rapprocher induisent la perception d'une attitude artificielle, fausse. Rien de ce qu'ils sont vraiment ne transparaît. Il faut de l'authenticité. Certes, mais le dirigeant authentique n'a pas toujours les comportements qui correspondent à la dynamique managériale qu'il veut créer. L'un manque de chaleur et ne fait jamais de compliment. L'autre, toujours dans la séduction, dit oui à tout et provoque ensuite des déceptions.

Comment combiner l'authenticité avec la qualité de l'effet produit ? D'abord, en ne prenant pas l'authenticité de façon globale. Certes, il est important d'agir en fonction de ce que l'on est, mais probablement pas sur tout, et pas toujours. Surtout, cela suppose aussi d'accepter qu'il y a des particularités dans sa personnalité qu'il est nécessaire de faire évoluer. Autrement dit, si l'authenticité est associée à l'arrogance de croire que tout ce qui vient de soi doit s'exprimer, le dirigeant imprime dans son organisation autant ses défauts que ses qualités.

Et après ?

Le dirigeant doit prendre conscience de l'importance de l'impact qu'il produit sans même en avoir l'intention. Ce qui signifie qu'il doit toujours se poser la question de l'effet qu'il veut produire et qu'il doit régulièrement vérifier que cet effet correspond à son intention. L'effet psychologique est un ressort très puissant. On constate avec le changement à la tête de l'Etat qu'il peut donner le meilleur, comme le pire.