expand

Le « nudge » influe sur nos comportements

Ce « coup de pouce » apporte la preuve que la plupart de nos choix sont irrationnels. L'exercice du pouvoir nécessite tout à la fois une prise de recul et une remise en question permanente de la part du dirigeant.

« Nudge » ? : le prix Nobel d'économie 2017, Richard Thaler, a notamment construit sa notoriété sur ce concept sans qu'il ait été beaucoup repris dans la presse (sauf dans « Les Echos »). Comme en 2002, année au cours de laquelle le prix Nobel a été attribué au psychologue Daniel Kahneman, c'est le lien entre la psychologie et l'économie qui a été remarqué par le jury. Et plus encore, c'est la part d'irrationnel dans le mode de décision des acteurs de l'économie. 

Le « nudge », c'est le coup de pouce qui conduit un individu à s'orienter vers un choix plutôt qu'un autre. Par exemple, mettre sur le sol des traces de pas vertes qui vont vers les poubelles municipales fait baisser de presque 50 % la tendance à jeter ses déchets par terre. Aucune incitation directe (par exemple financière) ni restriction de sa liberté de choix, mais une façon d'influencer sans contraindre. 

Notre histoire, nos émotions

Le champ d'application est très large, et pas seulement commercial. Il a été testé avec succès pour faire manger des légumes aux enfants ou faire ralentir les automobilistes. Ce que montrent les travaux de Thaler, c'est comment certains paramètres nous influencent pour prendre des décisions. Ces travaux s'inscrivent dans une lignée maintenant bien établie qui va de la psychologie de l'engagement à la mise en évidence de tous les biais cognitifs qui détournent de la rationalité. En somme, la science nous renvoie à notre imperfection. Notre histoire, nos émotions, des influences extérieures nourrissent notre subjectivité, et donc limitent notre objectivité. 

Cela a évidemment des conséquences sur l'exercice du pouvoir. Les décisions, qui sont l'expression du pouvoir, sont partiellement irrationnelles à l'insu de celui qui les prend. Ainsi, la solitude du pouvoir est le premier risque. D'autant que, souvent, celui qui est en situation a l'illusion de bien savoir décider. Il doit donc être systématiquement entouré de quelques personnes dont le rôle explicite est de challenger, remettre en cause, se faire l'avocat du diable. Souvent cette discussion existe au sein des comités exécutifs mais sans aller au fond des choses. Car la plupart du temps, contredire le chef c'est prendre un risque que la plupart évitent. Autre enseignement de ces études sur la décision : se méfier de sa première réaction. Souvent instinctive, émotionnelle, soumise à des influences extérieures non identifiées, cette première réaction peut conduire à se fourvoyer puis à persévérer. Car l'un des biais cognitifs fréquents est qu'il est plus facile de confirmer son point de vue que d'en changer.  

Et après ? 

Se rappeler son imperfection n'est pas seulement salutaire mais stimulant. Rien de plus satisfaisant que de se voir progresser. Rien de plus désespérant que de se voir stagner. Dans le domaine de la décision, progresser c'est commencer par admettre ses erreurs et en comprendre le mécanisme. Souvent, ce débriefing suppose d'avoir un interlocuteur qui aide par ses questions à mettre en évidence les mécanismes d'influence qui ont été surpondérés. Cela ne nous empêchera pas de nous tromper à nouveau mais peut-être moins souvent et plus de la même façon. C'est cela progresser.