expand

Changer de job - Eric Albert - Les Echos

Beaucoup des élus à l'Assemblée nationale sont des primo-accédants. Ils découvrent un nouveau job dont les codes, les compétences nécessaires et la valeur ajoutée apportée qui seront les leurs sont très différents de tout ce qu'ils ont vécu auparavant. On fera valoir qu'ils l'ont choisi, se sont même battus pour l'obtenir. Pour autant, cela ne garantit pas qu'ils s'y épanouiront et qu'ils y seront utiles.

Quand les prévisionnistes nous promettent que le rythme de changement de métier va s'accélérer, la nouvelle Assemblée nationale pourrait être le reflet de ce qui attend les entreprises.

La plupart du temps, le changement ne résulte pas d'un élan ou d'une envie de changer : c'est la fonction qui disparaît. De fait, la liste de ceux qui sont menacés par l'intelligence artificielle et la robotisation est immense, de chauffeur à comptable en passant par les nombreux « encadrants ». Préparer les acteurs à changer, sans que cela soit trop « coûteux » pour eux, est devenu l'un des enjeux premiers des entreprises. Il s'agit d'abord d'éviter que le passé ne pèse trop, ce qui suppose de limiter et de remettre en cause les habitudes - tout ce qui favorise l'absence de routine étant utile. Cela concerne à la fois le cadre de travail - c'est l'un des intérêts du flex-office - et les champs de compétences ou d'intervention à faire évoluer, même à la marge. Il s'agit ensuite d'accompagner les acteurs dans une confrontation à la nouveauté. Ils doivent apprendre à la qualifier et à en mesurer l'importance. Et la question de fond est celle de savoir jusqu'où les compétences acquises peuvent être utilisées dans la situation. En somme, dans quelle mesure le sujet peut s'appuyer sur ce qu'il sait faire et en quoi la nouveauté suppose au contraire qu'il se réajuste.

En situation de changement, il est naturel de se référer à ce qui a marché dans le passé et à essayer de le reproduire. C'est ainsi que le dirigeant qui arrive change l'équipe en place pour faire venir ceux avec lesquels il a déjà travaillé. Il fait l'hypothèse que la même équipe sera aussi performante dans une situation nouvelle. Se reconstruire son monde est un confort qui met en risque : celui de passer à côté de la réalité.

Quel usage fait-on de sa propre expérience ? Si l'on n'y prend pas garde, elle peut devenir un prisme déformant, forçant des similitudes qui n'en sont pas.

Et après ?

L'expérience doit avoir un double usage. Elle est, d'une part, une base qui permet de se faire confiance dans sa capacité à faire face à la nouveauté - en sachant ce qu'on a réussi et ce qu'on a raté, on est mieux armé. Mais elle est aussi un socle qui conduit à se poser des questions, à être en alerte pour chercher à comprendre plutôt qu'à reproduire trop vite. Se préparer à changer, c'est équilibrer le balancier de la confiance en soi. Trop de confiance en soi enferme, pas assez fragilise.