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Balayer devant sa porte

La réforme du droit du travail sera-t-elle d’inspiration libérale ?

Ce qui semble clair, c’est que plus elle le sera, plus les dirigeants seront contents. Tous se plaignent du poids pris par l’Etat et ses administrations dans la vie quotidienne. Tous déplorent l’inflation des réglementations diverses qui s’accumulent et leur compliquent la vie. Le vent de simplification demandé est une attente de plus de libéralisme. C’est entendu, mais qu’en est-il à l’intérieur de leurs propres entreprises ?

Les organisations ont repris à leur compte le terme « régalien ». Le mot recouvre tous les pouvoirs qui ne peuvent être confiés aux unités opérationnelles mais qui relèvent du « central » (« corporate »). Cela permet aux sièges et aux fonctions de justifier des attitudes centralisatrices et dirigistes. D’ailleurs, il est rare que les fonctions centrales distinguent ce qui relève de leurs prestations de services aux opérationnels de leurs responsabilités régaliennes. Fortes de ce pouvoir, elles imposent, réglementent, exigent.

En fait, les dirigeants qui expliquent pourquoi le libéralisme est le modèle le plus efficace pour créer de la richesse sont parfois moins libéraux lorsqu’il s’agit de leur propre organisation. L’explication est simple : rien n’est plus difficile que de renoncer à l’exercice quotidien du pouvoir lorsqu’il vous est offert. Celui qui a les manettes en main trouve toutes les raisons de s’en servir. Il a la vision globale, il sait ce qui est bon pour l’entreprise, il doit corriger les défauts des uns et des autres, il impose à ceux qui ne font pas, etc. C’est l’un des grands paradoxes de l’entreprise. L’entreprise dite « libérée » est une lointaine petite fille d’Adam Smith qui, déjà, voulait limiter les pouvoirs régaliens des Etats. Elle repose sur des principes libéraux : le pari d’une efficacité accrue en octroyant de la liberté aux acteurs. Force est de constater que, si elle suscite l’intérêt, elle n’est pas, loin s’en faut, le modèle dominant.

En somme, il en est du libéralisme comme du changement : tout le monde est pour mais… pour les autres. Dans notre monde caractérisé par la rapidité des changements, le principal enjeu est l’adaptabilité. Les leaders du monde économique sont critiques voire condescendants avec les politiques. Pourtant, eux aussi ont à faire évoluer leur mode d’exercice du pouvoir.